Du tag et du fouillis : les dangers du cloud computing… et tant pis, si je passe pour un ringard…

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Ce matin, j’ai réagi à un billet de l’écrivain Nicolas Ancion sur son blog où il posait la question suivante :

Le lecteur est-il propriétaire du texte qu’il lit ?

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« En cinéma, le modèle de commercialisation numérique qui semble avoir le vent en poupe aujourd’hui, c’est Netflix, un service où pour 7$ par mois, vous pouvez regarder autant de films que vous le souhaitez, en streaming, sur votre ordinateur, en toute légalité « 

Il élargissait son questionnement aux livres et à la musique. Je n’ai pas épuisé dans mon commentaire sur son blog ce que cela provoque chez moi. Il me semble que la question est beaucoup plus large et mérite de ne pas être cantonnée au seul lecteur propriétaire d’un objet culturel qu’il a acquis.

Personnellement, le système de location ou d’abonnement ne me pose pas de problème. C’est une des solutions à l’âge de l’abondance pour accéder à des œuvres, des contenus sans l’inconvénient de l’encombrement physique de l’objet qui va envahir nos bibliothèques personnelles, toujours trop petites… Même si je suis un adepte de Chalamov, c’est-à-dire posséder une bibliothèque personnelle. A chacun ses contradictions. La vision proposée par Nicolas Ancion est axée sur un angle essentiellement de consommation, immédiate, rapide (encore que !). Encore faudra-t-il pour certains avoir les moyens économiques de pouvoir payer des abonnements multiples (individus comme bibliothèques) ! On en revient toujours à la même chose. Si la technique aujourd’hui permet d’avoir accès à des contenus permettant de s’approcher du mythe de la bibliothèque universelle, il reste qu’une grande part de nos non-publics (la majorité) et de nos publics (une minorité) n’accèderont pas à ces oasis bénéfiques pour leurs développements personnels ! N’en auront pas les moyens financiers ou tout simplement n’auront pas l’idée de chercher autre chose car cette dictature des superlatifs, classements ou autres tops 50 sera, enfin, est déjà complétement renforcée à l’ère d’Internet et envahit tout… Sorte de réduction minimaliste – on coupe tout ce qui dépasse – avec comme horizon l’insupportable consensus.

Je suis un adepte du cloud computing jusqu’à un certain point. C’est quoi d’abord le cloud computing ?

Pour simplifier, vous n’avez plus de logiciels ni de contenus sauvés sur votre ordinateur, mais votre ordinateur est une simple porte d’accès aux ressources numériques sur Internet.

Il me semble que cela va a-contrario de la logique de jungle prônée par les concepteurs du web initial (Tim Berners-lee, par exemple). Il me semble qu’il faut préserver des espaces de fouillis, des terrae incognitae, que tout ne soit pas indexé, qu’il y ait plaisir à découvrir. Et que le web reste un lieu de publication libertaire. Les Princes n’aiment pas ! Je souhaite du fouillis et c’est un paradoxe de bibliothécaire qui doit, s’il est normalement constitué, classé et indexé. Tagger comme l’on dit maintenant. Du tag et du fouillis… donc…

Alors, oui, il faut se méfier de la concentration de tous les contenus chez quelques éditeurs en ligne (livres, musique, vidéo), dans le cloud, comme il est dit aujourd’hui. Google, Amazon ou Apple sont en train de devenir des monstres qui directeront leurs lois. Seront-ils des phares baudelairiens ou des vessies à défaut de lanternes ? Même s’ils nous tétanisent de bons sentiments et de grands discours humanistes. Faibles ou naïfs, que nous sommes ! Paroles, paroles… comme chantait Dalida. 😉 Et, nous, nous ramerons pour imposer une diversité culturelle à base de belles chartes… ! Ne restera alors plus qu’une politique de quota… stérile… restreinte…  Il faut donc des alternatives, des contre-mastodontes…

Le principe du cloud computing est séduisant. Il est pratique, rapide, aisé (enfin, pas toujours, techniquement parlant). Le principe du cloud computing, c’est un peu la sorcière dans Blanche-neige. Mange ma pomme… tiens tiens la pomme… ca ne vous fait pas penser à quelqu’un.

Le principal danger est de voir s’effectuer une sélection des contenus par ces nouveaux mastodontes, gérants pour le bien de tous l’infobésité. Je ne sais pas pourquoi l’être humain en général déteste la profusion qui lui fait peur. Je ne réagis ici pas seulement en tant que bibliothécaire pour défendre la chapelle dans laquelle j’officie, mais plutôt en tant que citoyen.

Qui va garantir que l’on pourra trouver un petit livre qui ne plait pas au Prince, à la doxa officielle, à la mode de l’époque, aux idées de l’époque  (relire Montesquieu) ?

Qui peut garantir que l’on pourra visionner un film non consensuel ? Selon l’idéologie du monsieur ou du groupe d’intérêt ou d’actionnaires qui dirigeront la société de contenus, ils pourront sélectionner et faire disparaître des contenus non conformes. C’est déjà arrivé avec Amazon (qui avait supprimé des Kindle, le 1984 d’Orwell). Comme me le fait remarquer très justement Nicolas Ancion, ce n’est pas Amazon qui a censuré l’ouvrage d’Orwell mais une demande des ayant-droits ne souhaitant pas ce type de diffusion. Mais, techniquement, ils ont été capable d’intervenir pour enlever du contenu. Dans un contexte où des citoyens sont encore là pour alerter des dérives, la polémique a contraint Amazon à revenir sur ses pas. Mais est-ce que ce sera toujours le cas ?

On est là devant le risque d’une dérive totalitaire… Je ne suis pas le premier à le dire…

Par contre, il faut absolument qu’il y ait des endroits qui ne fonctionnent pas uniquement sur les règles du profit et du désir de plaire  au plus grand nombre . Ces endroits existent depuis longtemps. Ces endroits portent un nom depuis plusieurs millénaires : on appelle cela des bibliothèques. 😉

Remarquez que sur le schèma plus haut expliquant le cloud computing, tiré de Wikipédia, les bibliothèques n’y sont pas ! Vous ne trouvez pas cela gênant, chers bibliothécaires, chers citoyens ? Et pourtant, avec qui Google passe des accords de numérisation ? La connaissance est stockée où, à votre avis ?

Il ne faut pas le cacher, nous sommes (les bibliothèques) multiples et dispersées. C’est notre force : lieux variés de diversité culturelle. C’est notre faiblesse également : car, ce mythe qu’est également le catalogue collectif, nous empêche de nous rassembler, de créer un immense pancatalogue de ressources… Il y aurait pourtant une solution intermédiaire… je la dirai plus loin…

A l’heure des mastodontes, et face à la complexité de nos structures hiérarchiques (publiques en Europe, associatives aux Etats-Unis, etc…), il apparaît impossible de nous réunir… Je rêve… Otlet, reviens avec nous ! Les bibliothèques doivent devenir des émettrices de contenus, un peu comme le pulsar, en astronomie, qui est une étoile qui envoie des ondes régulièrement permettant aux astronomes de s’orienter ou de mesurer l’univers. La bibliothèque comme un pulsar… Otlet… ramène nous ta folie ! 😉

Il me semble important que les bibliothèques soient un des acteurs essentiels pour  la diffusion de contenus garantissent la diversité culturelle. Alain Resnais avait titré un de ses premiers films : La mémoire du monde, reportage sur la BNF. Pas si antique que cela ce petit film. Les bibliothèques diffusent, prêtent, mettent en valeur mais aussi conservent la mémoire du monde, mémoire qui ne plait pas forcément au Prince. C’est évidemment  un choix qui doit être appuyé au niveau politique. Aujourd’hui, la priorité n’est pas de réaffirmer le rôle des bibliothèques (les excuses de la crise mondiale sont faciles à donner) mais plutôt de protéger chacun des acteurs isolés qui tentent de réagir (en vain) aux trois mastodontes… Voir aussi la remise en cause en Angleterre des bibliothèques ! Si j’osais, je dirai arrêtons de vivre sur notre petit nuage… 😀 Nos associations de professionnels doivent demander aux acteurs politiques de se repositionner sur cette nécessité de mémoire et de mise en valeur de cette mémoire. Concrétement. Pas seulement dans de zolis discours… qui ne mangent pas de pain. Comment allons-nous mettre en valeur le travail des auteurs n’écrivant que sur le support numérique ? Evidemment, ce n’est pas gagné, voir les débats idéologiques partisans des récentes lois (Hadopi, Acta, Prisunic…) qui empêchent d’avoir des positions responsables et donnent des lois vouées à l’échec… face aux mastodontes qui doivent bien rigoler…

Va-t-on demander à Netfix… Amazon, Google ou Apple de garantir la mémoire du monde ?

Aujourd’hui, ils ont des discours apaisants mais demain ?

Quand allons-nous retrouver notre esprit critique ?

Par exemple, prenons, au hasard 😉 : Apple ? Je prends cet exemple qui est pour moi symbolique :  cette entreprise a tellement travaillé sa communication que l’on entend souvent : un mac tombe moins en panne qu’un PC ! Faux… Idée reçue ou idée suggérée ? Quoiqu’il arrive, la bonne image perdure… Et, je suis contaminé également 😉 j’utilise des produits Apple. Prenons l’iphone : faiblesse de la batterie dès que l’on utilise l’iphone pour son usage principal, ses capacités multimédia. Pratique certes,  mais on est très vite limité par la batterie si on a un long voyage à efffectuer. Et je ne parle pas de la mauvaise qualité des images pour la fonction appareil photo. Ni de la conception de l’illimité de votre opérateur téléphonique… Reconnaissons que ces produits idéaux ne le sont pas ! Beaucoup de défauts et toujours une image de marque au top dans la tête des usagers. Ca frise même l’embrigadement sur certains blogs ! Moi, désolé, ca me fait peur.

Vivre dans un monde Apple, c’est aussi vivre en permanence avec le porte-monnaie à la main, enfin la carte bancaire toujours ouverte (remarque encore désobligeante : ceux qui n’ont pas de cartes bancaires ou sont en situation d’interdit bancaire n’auront pas accès au nirvana… disciples d’Apple, ne jugez pas trop vite mon ironie). Enfin, cerise sur le gâteau, ne pas pouvoir faire ce que l’on veut des produits que nous avons acquis. Pas d’interopérabilité. Je ne suis peut-être que le seul mais cela me gêne. Que dis-je, ça me gêne, non, ça me révolte !

Amazon vient d’ailleurs de réagir car ils proposent la possibilité de prêter les livres numériques que nous aurons acquis pour le Kindle avec notre argent. Merci, mon bon maître ! (Vous vous rappelez avoir prêtés des bouquins ou des cd à des amis ! Pratique, non ?). Sont malins comme des singes…

Malgré son image d’avant-garde certaine, cette société (Apple) est pour moi, chers disciples, la plus archaïque du monde en terme de modèle économique. C’est toujours le système basé sur la rareté  du produit. Avec un emballage de propagande basée sur le discours de l’abondance purificatrice. Malins comme des singes… Remarquez on aurait dû se méfier rien qu’avec leur logo : une pomme ! Ca ne vous rappelle rien ! Vite, retour de l’esprit critique… 😉

En plein développement d’une solution de livres numériques pour ma toute, mais toute petite bibliothèque, je me pose toutes ces questions : les abonnements, c’est bien (encore qu’il n’est pas facile d’avoir un accès unique – chaque éditeur proposant son accès) mais à terme, qu’en est-il ?

Je ne suis pas certain que le concept de collection d’une bibliothèque soit ringard à l’heure du cloud, d’internet et des réseaux. Bien au contraire…

Les bibliothèques ne doivent-elles pas acquérir des réservoirs (des serveurs) pour pouvoir maitriser leurs collections numériques  ? Je ne vois plus pourquoi nous ne pourrions pas garder les fichiers numériques acquis sur nos serveurs… Le coût de ses serveurs a énormément baissé. La taille des mémoires n’est plus un problème. Ce sont aussi par des collections atypiques, différentes que nous avons des chances de continuer à exister comme lieu de ressources. Voir le récent article de Dominique Lahary : une bibliothèque ça ne sert (plus) à rien. Pourquoi donc ne pas mutualiser au niveau régional des serveurs de ressources ? Une collectivité seule est… seule, isolée… La Région me semble l’entité raisonnable. Mutualisation des ressources et mutualisation des recommandations sur ses ressources. Projets collaboratifs également : toute une région se mobilisant pour faire lire et commenter… pas pour transformer chacun en un Pierre Assouline, bref en un critique, il le reprochait récemment dans un de ses billets, mais plus modestement, pour réunir des personnes qui ont envie de réfléchir et partager… sans obligation aucune d’écrire… Ce qui serait déjà pas mal pour conforter notre mission de diffusion…

Aujourd’hui, je ne connais pas de SIGB (logiciel de gestion des collections des bibliothèques) qui propose un accès à des ressources directement reliées au catalogue et sur lequels on peut ajouter indéfiniment des ressources en provenance de plusieurs éditeurs. Si nous nous abonnons à  Numilog, nous arrivons sur un espace d’un serveur de Numilog. Et, pareil, pour les autres…  Nous allons faire quoi en bibliothèque ? Aller vers la solution qui marche techniquement ? Les éditeurs ont peur de nous confier leurs fichiers, peur de la copie. On me l’a dit au téléphone… il faudrait développer pour chaque éditeur des moulinettes pour intégrer les fichiers dans nos catalogues. La collection serait double : des livres « en papier » dans la bibliothèque et  les fichiers des livres, musiques ou vidéo en ligne physiquement stockés sur le serveur mutualisé régional. Evidemment, cela implique des négociations vers les éditeurs. Des problèmes techniques de pérennité des formats… un effort de normalisation, donc… et d’autres problèmes encore… mais quoi ? On est dans une révolution majeure et il y a du boulot pour retrouver un équilibre… Cela ne va pas se faire tout seul et sans casse…

Nous resterions dans notre logique de développement de collections à partir de politiques documentaires concertées et mises en valeur. La communication et la recommandation des contenus sont les nouveaux défis des bibliothécaires. Celle des bibliothécaires apportant leurs expertises avec une recommandation associée auprès nos lecteurs, usagers… Il va nous falloir renouveller nos antiques clubs de lecteurs, nos ateliers d’écriture vers des projets collectifs  pour faire lire et faire commenter les lectures par nos usagers, leur demander de partager leur avis sur le catalogue commun. Se demander aussi comment nos lecteurs sélectionnent leurs lectures comme le rappelle Virginie Clayssen dans un ce billet : trois pour cent.

Voilà pour moi quelques questions que me posent  l’accès aux ressources numériques par le cloud computing. Des questions de plus  en plus nombreuses à l’heure de la chute des budgets d’acquisition. Toujours des questions. Et je vous assure, ces questions, nos élus nous les posent.  Quelle collectivité va pouvoir payer des abonnements à des bases de données de plus en plus chères ? L’exemple des bouquets de revues en bibliothèque universitaire devrait nous ouvrir les yeux. Sur le court terme, le cloud computing, pratique ? Mais sur le long terme ?

Dangereux pour les libertés publiques… Et la capacité de l’individu à discerner par lui-même… Dangereux pour la mémoire du monde…

L’âge de l’abondance et de l’accès risque fort de se transformer en un unique espace clos et balisé, une belle forêt bien entretenue sans mauvaises herbes…

Je vous laisse réagir. Je n’ai pas tout abordé. C’est un billet d’humeur basé sur une réelle pratique. En ce moment, je vous dis, pour ma toute petite bibliothèque, je travaille sur une offre diversifiée de livres numériques accessibles pour tous nos usagers… Et ce n’est pas facile… et ce n’est pas qu’une question d’argent… un autre billet, plus tard fera le bilan de tous les freins… Voir cependant les débats sur le dernier billet de Thierry Crouzet.

Diversité culturelle, disions-nous !

Silence

 

8 réflexions au sujet de « Du tag et du fouillis : les dangers du cloud computing… et tant pis, si je passe pour un ringard… »

    Nicolas Ancion a dit:
    dimanche 27 février 2011 à 4:34

    Ravi que mon billet sans prétention ait permis de voir naître celui-ci, autrement plus fouillé. Depuis notre échange sur mon blog, j’ai pris une douche (eh oui, même à l’heure du tout digital, les idées viennent toujours sous la douche, pendant la marche et la course à pied, on change l’environnement mais pas le fonctionnement du cerveau) et il m’a semblé très clair que l’enjeu magique pour les bibliothèques serait de remplacer la cohorte d’abonnements à des services divers (Amazon, Google Books et AppleStore, par exemple mais aussi et surtout le catalogue Immateriel, les myriades de petits éditeurs ou d’auteurs autodiffusés – je pense ici, notamment, aux oeuvres épuisées et pas numérisées par les éditeurs, elles sont légions) par un seul point de ralliement et d’abonnement.
    Si les bibliothèques parviennent à unifier les sources (en gardant, si nécessaire, une copie numérique locale pour assurer le service aux usagers), elles joueront d’office un rôle de premier plan dans la diffusion des contenus, sans frontières commerciales, sans la censure du bien pensant américain et inetrnational (je pense en particulier aux BD et livres d’art).
    Imagine-t-on de fréquenter un vidéoclub différent selon le distributeur du film qu’on veut louer ? Non, c’est idiot. Faut arriver au même regroupement pour le livre numérique, et seul un acteur public, à mes yeux, est capable de dépasser les rivalités commerciales des géants et des nains…
    Une remarque par rapport à la note : Amazon n’a pas retiré 1984 du Kindle pour des raisons de censure mais parce que les ayants droits d’Orwell ont refusé sa diffusion, alors que la société avait déjà vendu des exemplaires. C’est une différence essentielle. Il s’agissait pour Amazon de respecter le droit d’auteur, cette fois-là. Mais l’anecdote a montré la puissance de censure que ce mécanisme pourrait devenir.

    mercure a dit:
    dimanche 27 février 2011 à 5:50

    merci d’avoir mis les mots sur les maux 🙂
    Et maintenant ….

    memoire2silence a répondu:
    dimanche 27 février 2011 à 8:12

    Commentaire de Daniel Bourrion : qu’il m’a envoyé car pb technique et que je recopie ici
    Trois petites remarques :

    1.  » Qui va garantir que l’on pourra trouver un petit livre qui ne plait pas au Prince, à la doxa officielle, à la mode de l’époque, aux idées de l’époque (relire Montesquieu) ?  »

    Réponse : le web lui-même. La meilleure garantie contre les maux que tu évoques, c’est le web lui-même. Qui n’est absolument pas contrôlable, et par aucun marchand (même s’il l’est techniquement parlant, par des états, au sens où on peut le couper physiquement – mais c’est un autre problème).

    Ce que je veux dire, c’est que rien ne peux empêcher qui que ce soit de produire/recopier et diffuser une oeuvre de la pensée qui pourrait déplaire, ou ne serait pas rentable, ou quelque chose comme cela. Aucun moyen technique n’existe, pour bloquer totalement la diffusion d’une oeuvre, parce que le web, c’est justement un réseau constitué de millions de voies de traverses qu’il est très facile d’emprunter.

    2. Le Clound computing n’est pas une menace non plus, parce que des nuages, il y en a des milliers ; et que là aussi, des solutions techniques de constructions de micro-nuages qui aggrégés font des gros nuages, existent déjà (je pense à l’exemple de LOCKSS auquel les bibliothèques ne s’intéressent vraiment pas assez comme modèle de ‘sauvegarde’)

    3. Le modèle du livre comme entité close (qui traverse ton billet, il me semble, et beaucoup des réflexions autour des questions que tu évoques) est à mes yeux dépassé ; et les bibliothèques continuent malheureusement à réfléchir sur ce modèle d’objet unique et clos qu’on indexe/stocke. Mais cet objet va disparaître. De nouvelles formes nées sur le web apparaissent (je pense en particulier aux blogs littéraires) et là, le grain est fluide… Rien à indexer/stocker… On (les bibliothécaires) est mal barré. Par contre, les auteurs et lecteurs ont une chance énorme 🙂

    Amitiés
    Daniel

    Nicolas Ancion a dit:
    dimanche 27 février 2011 à 8:30

    Sur la disparition du livre, je ne peux pas lire dans le futur, bien entendu, mais je reste convaincu qu’on ne va pas rapidement quitter les formes closes. Elles sont présentes depuis si longtemps (depuis qu’on raconte des histoires, en fait, pas depuis qu’on les écrit ou qu’on les imprime). Le conte, l’épopée, la chanson de geste, le roman, le sonnet, la série télé, tout cela correspond à des formes closes, fermées, bouclées.
    Même les jeux vidéos, qu’on qualifie d’interactifs, ont des numéros comme des épisodes de série.
    De même que les bibliothèques parviennent à indexer et archiver la presse, les magazines, les publications de tous types, elles pourront répertorier les nouvelles formes, qui, je le pense, aboutiront elles aussi à des genres relativement clos et fermés. Le site web ou le blog est déjà beaucoup plus fermé qu’un portail ou qu’un simple agrégateur de flux. Et, au bout du compte, il ne faut pas trop vite confondre les lieux et les oeuvres. Ou alors on en vient à dire – ce qui peut se défendre – que la seule oeuvre littéraire de demain est collective et polyglotte… et qu’elle s’appelle le Web tout entier.

    dbourrion a dit:
    dimanche 27 février 2011 à 8:43

     » Ou alors on en vient à dire – ce qui peut se défendre – que la seule oeuvre littéraire de demain est collective et polyglotte… et qu’elle s’appelle le Web tout entier.  »
    >> ben oui, c’est exactement ce que je veux dire 🙂
    Et c’est bien ça le bouleversement.
    D.

    mediamus a dit:
    lundi 28 février 2011 à 1:38

    Ne confondons pas Web et cloud computing.
    Si le web est aujourd’hui garant de la diversité et de la pluralité des contenus, je ne suis pas aussi optimiste, ni confiant concernant le cloud computing. Excepté pour les plateformes en UGC (du type Youtube), le nuage est une entité dont le périmètre est défini et contrôlé par son propriétaire (Deezer, Itunes, Spotify, etc.), l’internaute n’y a d’autres rôles à jouer que celui de consommer ce qu’on lui propose (depuis peu il a aussi la possibilité de commenter : -)).
    De l’autre côté, l’artiste, l’écrivain qui n’est pas référencé dans le catalogue n’a plus aucune visibilité.
    On a vu, d’abord avec la transformation des radios libres en radios commerciales sur la bande FM, puis avec l’arrivée des bouquets de chaînes numériques (W9, Direct8, etc), que l’augmentation de l’offre de contenus n’était absolument pas synonyme d’accroissement de la diversité culturelle, mais au contraire renforçait la puissance et la concentration des médias et des industries culturelles.
    Pour exemple, et sans prendre parti, s’agissant de l’opération Weblib en bibliothèques à Paris dont a parlé Actualitté ( http://www.actualitte.com/actualite/24512-weblib-bibliotheques-preter-ordinateurs-travail.htm ) la semaine dernière, il est dit que l’offre de prêt des iPad, tablettes tactiles android ou des netbooks s’appuie sur un partenariat avec Relay.com. Pour les bibliothèques, il existe un risque réel d’externalisation des services d’accès à l’information et à la documentation, voir pourquoi pas à terme de privatisation de ces services.
    L’enjeu actuellement (on le voit avec l’Ipad et la presse) est de reconstruire des péages pour faire payer l’usager. Chris Anderson, dans son article « The Web Is Dead. Long Live the Internet » ( http://www.wired.com/magazine/2010/08/ff_webrip/5/ ), annonçait en août 2010 la mort du Web gratuit remplacé par un Internet des applications payantes.
    Service public / Secteur privé, ces distinctions ont encore un sens, dans la manière de concevoir le service à l’usager, et les ressources documentaires ou culturelles que l’on met à sa disposition.
    On n’imagine difficilement une bibliothèque externalisant sa politique documentaire en souscrivant un abonnement à France Loisirs. Mais c’est ce qui risque d’arriver demain, c’est déjà le cas aujourd’hui avec certaines offres de contenus numériques.
    Alors battons-nous pour défendre la neutralité du web, mais ne perdrons pas de vue la neutralité de la bibliothèque, c’est à ce prix qu’elle restera un service public et non un showroom dédié à la consommation des nouvelles technologies, et des productions de la culture de masse. Et posons-nous toujours la question de savoir ce qui manque.

    hchampion a dit:
    samedi 5 mars 2011 à 5:29

    merci pour ce billet !
    Tout cela me rappelle un projet de microsoft vieux de quelques ann√©es : Palladium (http://www.presence-pc.com/actualite/-Palladium-de-Microsoft-le-futur-big-brother-7711/). Le but √©tait de contr√¥ler √† distance ce qui passe sur l’ordinateur personnel. Cela me fait penser √† Amazon, qui supprime √† distance des livres √©lectroniques mis sur les Kindle, et √† Apple, qui contr√¥le autant que possible les applications disponibles sur ses terminaux.
    Aujourd’hui, nous mettons sur des serveurs distants des donn√©es que nos a√Øeux auraient cach√©s…
    L’angelisme autour de l’Ipad m’exasp√®re un peu (m√™me si secr√®tement je r√™ve d’en avoir un…) et j’attends avec impatience la r√©action des libristes (peut-√™tre la start-up Always innovating ? http://www.alwaysinnovating.com/home/)

    Amitiés,
    Hervé

    Mone MENO a dit:
    vendredi 18 mars 2011 à 6:51

    Si les forums, blogs, twits jouent un rôle manifeste, si l’interactivité sur le web existe, il reste qu’une oeuvre (par exemple le livre) n’a de force que si elle a une étendue sans commune mesure avec un tweet du genre : OK.
    Les bibliothèques garderont encore longtemps leur rôle mais je suis plus inquiet pour les libraires qui vont devoir vendre des chewing-gums, de la papeterie, des panini pour survivre (et vivre).
    L’abonnement au service de lecture peut être un montage économique viable mais il faut reconnaître que c’est la mort des petits éditeurs (mis à part les éditeurs de « beaux livres » objets d’art par leur réalisation).

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