Masse Critique Babelio
L’économie est un jeu d’enfant de Tim Harford (Babelio #massecritique)
Tous les ans, j’ai un pincement au cœur quand j’entends que l’on remet un prix Nobel à un économiste ! Rassurez-vous, cela m’arrive également pour le Prix Nobel de la Paix ! Les choix de la noble Académie de Stockholm sont parfois guidés par d’étranges murmures – non, non, je n’ai pas dit : intérêts. Je sais, j’exagère. Cela ne changera rien de l’écrire ici. Et puis, ce n’est pas tout à fait exact, j’ai été heureux au moins une fois dans ma vie, lors de la remise d’un prix Nobel d’économie ! En 2009, lors de son attribution à Elinor Ostrom et Oliver Willliamson pour leurs travaux autour de la gouvernance économique et les principes des biens communs. Mais ces théories sur les biens communs ont plus à voir avec les littératures de l’imaginaire qu’avec cette pseudo-science entièrement dédiée à la réussite du système économique mondial actuel et à la croissance de la croissance éternelle. En ce weekend de Pâques, j’allume un cierge aux Fmi et à tous les économistes qui font notre bien-être sur cette planète !
En disant cela, je vais aussi me mettre à dos encore pas mal de gens comme moi, passionnés par les utopies et qui ont également dû mal à comprendre qu’entre les idées et le réel, il y a un gigantesque gouffre. Mais, on peut vivre dans le monde des idées. Au moins cela, on ne peut guère nous l’enlever. Je vous rassure, je ne suis pas devenu cynique, blasé… je reste un indécrottable optimiste et j’ai foi (même si j’ai souvent mal) dans la nature de l’être humain à condition qu’il soit éduqué, doué de raison et… etc… Mais, au final, ce que je crois, moi, pour le devenir d’un monde meilleur basé sur la paix, le respect, la connaissance, la tolérance… bref, ce que je crois, moi, n’a aucune importance. Ce monde ne vit pas avec nous, ceux qui ont de telles idées. Je suis du camp des rêveurs (eux, ceux du monde réel, nous appellent les losers).
Bien sûr, il est toujours redoutable de se déclarer contre. C’est négatif. Il faut être positif. Mais c’est ainsi, j’ai un peu de mal à saisir comment les travaux des récipiendaires du prix Nobel d’économie peuvent profiter à l’humanité (c’est ce critère principal qui déclenche normalement l’attribution du prix). Bref, je le reconnais, je suis un ignorant. Mais je me soigne. J’essaie de lire, de comprendre, d’être à moitié convaincu… d’être positif… aussi j’ai accepté la proposition de Babelio : recevoir, lors de l’opération masse critique, l’ouvrage de Tim Harford intitulé : L’économie est un jeu d’enfant, traduit en français aux PUF, en ce début d’année 2016. Un livre qui s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires à travers le monde selon la quatrième de couverture. C’est certain, les clés du nirvana me sont offertes.
Oui, le style est enlevé, c’est accessible et ludique. Car, en plus, d’être positif désormais, il faut accepter une mission : il faut que tout soit ludique (un autre mot pour : aseptisé ?). Extrait ludique :
« Rappelez-vous : nous avons estimé à 5 % le risque de trouver un œuf pourri en choisissant au hasard dans le panier. Autrement dit, dans la première boite de six, le risque d’un deuxième œuf pourri n’est que de 3%. Le TAC est donc composé avec une probabilité de 3% pour qu’il y ait des œufs pourris. Le risque que l’un de ces œufs soit pourri est d’environ 18%, et le risque d’un deuxième oeuf pourri est d’environ 1,5 %. Le TAC de TAC est composé d’oeufs ayant une probabilité de 1,5 % d’être pourris, et le risque… »
Là, j’ai un peu décroché. Je suis encore désolé de dire que j’ai beaucoup de mal à comprendre quoi que ce soit à ce genre de livre (vous avez lu en entier, vous, et compris le dernier Piketty ?). J’ai bien conscience en écrivant ce résumé de ma lecture que ma négativité va se retourner contre moi. Sont sympas les PUF de m’avoir envoyé le livre pour que je le commente.
Une pointe d’humour, vous sentez ? (pour être ludique, j’essaie de le dire à la façon de maitre Yoda, notre vénérable maitre à tous).
Bref, sérieusement, que pourrais-je vous dire de plus sur ce livre, qui est vraiment : didactique (gloire au marché), écrit avec un style alerte, drôle et ludique (voir extrait plus haut)…. je vous sens sceptique… ce modeste blog est lu en principe par des bibliothécaires : donc mon message, final, est : oui, vous pouvez acquérir ce livre pour votre fond économie (dans les généralités de la 330 de notre Dewey) mais surtout, en plaçant à ses côtés, d’autres livres : des livres sur les biens communs ou sur la décroissance (pour que l’usager – citoyen, emprunteur en bibliothèque – se fasse une véritable opinion).
Allez, j’y crois à ces idées sur les biens communs…. même si je taquine mes petits camarades utopistes. L’auteur, quant à lui, si j’ai bien compris, n’y croit pas, pas du tout. Il croit au marché. Comme grenouilles qui coassent… Moi qui suis crapaud fou (voir Dujol, 2009), je vais retourner vers mon journal de rêveur : La décroissance. Et, je sais que je ne vous convaincrai plus en vous disant que je ne suis pas blasé ou cynique… mais ainsi, vous vous rendrez compte de ce que m’arrive quand je lis un livre sur l’économie… c’est pareil quand j’écoute France Info…
Optimistement votre,
Silence
Merci aux PUF pour l’envoi de ce livre et à Babelio pour la proposition de lecture… Sur Babelio, vous trouverez d’autres critiques de ce livre.
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Les petites histoires pour raconter la Grande Histoire : « Souvenirs de la Grande Armée : tome 3 » De Michel Dufranne, Alexis Alexander et Jean-Paul Fernandez… une BD commentée pour le site Babelio
Une critique sur une bande dessinée sur Waterloo, sur Napoléon ? Encore ?
C’est le site de recommandation de lectures Babelio qui m’a gentiment proposé de commenter la lecture de ces Souvenirs de la Grande Armée, : tome 3, Voir Vienne et mourir ! / Scénario Michel Dufranne ; Dessin Alexis Alexander ; Couleur Jean-Paul Fernandez. – Paris : Delcourt, 2010. – 48 p.
J’ai donc lu… et voici mon humble avis de lecteur…
Je ne citerai pas l’abondante bibliographie (BD ou non BD) qui fait référence à ce moment emblématique (Waterloo) de l’Histoire de France ou de l’Histoire du Monde pour reprendre la démesure du petit général devenu Empereur … A l’occasion de cette critique, j’ai d’ailleurs découvert un blog qui souhaite « fédérer le plus grand nombre de napoléoniens et/ou amateurs de bandes dessinées classiques » afin de créer une nouvelle BD, sur Napoleon Bonaparte. Incroyable ! Le sujet est inépuisable…
Une bande dessinée historique ?
Je dois vous dire… je dois vous avouer… que depuis les années 80 et la saga de François Bourgeon dans le magazine Circus des éditons Glénat … je n’avais que peu remis les pieds ou du moins les yeux, dans ce genre de la bande dessinée… D’ailleurs, existe t’il une bande dessinée historique après Les Passagers du vent ? Sommet d’intelligence graphique et scénaristique… Bon, je suis un peu ironique aujourd’hui… J’exagère…
Depuis, il y a eu deux autres sommets de la bande dessinée historique mais son auteur fait partie de la génération « alternative » qui a bouleversée les codes anciens : La Guerre d’Alan ou Le Photographe d’Emmanuel Guibert. Comme la série qui nous occupe aujourd’hui, celles de Guibert ont aussi comme point commun de mettre en valeur les petites histoires pour raconter la Grande Histoire : la fin de la seconde guerre mondiale pour l’une et l’aide humanitaire lors d’une des guerres d’Afghanistan pour l’autre. Et puis, aussi, je n’oublie pas Maus d’Art Spiegelman mais cet exemple est tellement cité que je me demande s’il faut encore le citer. C’est ce que l’on appelle un classique.
Je dois tout vous dire… Je dois tout vous avouer… je suis plus attiré aujourd’hui, ou enfin, depuis une bonne dizaine d’années par ce que l’on appelle la bande dessinée alternative… non, pour être à la page ou à la planche pour rire un peu… mais parce que graphiquement, les ouvrages proposés par cette nouvelle vague de dessinateurs me séduisent, voir, allons-y démesurément, me fracassent l’oeil ; parce qu’au niveau des scénarii, la bande dessinée dite alternative aborde aussi des thèmes « adulte », des personnages « sexués » pas outrageousement comme dans certaines BD que je ne citerai pas, avec des histoires pas forcément drôles mais si c’est drôle, ben c’est encore mieux… et qui bouleverse les codes de narration… et j’ai donc beaucoup de mal à lire, depuis Menu, je dois vous l’avouer, je dois vous le dire, le traditionnel 48 pages cartonné couleur… un modèle manufacturé pour l’édition… Nombre d’histoires sont ainsi à l’étroit et sont obligées de faire de trop grandes ellipses…
Bref, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je lis encore de la bande dessinée dite classique, de la ligne claire… mais ce sont plutôt des lectures nostalgiques… parce que parfois y règnent encore la manière de raconter une histoire de A à Z… (l’intégrale Corentin récemment parue) et que même si les ficelles du scénario sont énormes… on laisse faire… on se laisse porter… J’en lis aussi parce que c’est une partie de mon travail en tant qu’acquéreur de BD en bibliothèque…
Longue introduction donc, pour vous parler de ces souvenirs de la grande armée dont je viens de découvrir le tome 3 et par la même occasion la série.
Graphiquement, vous l’avez compris, ce n’est pas ce que je préfère… Trop, trop classique… pour moi… Le dessinateur maitrise les scènes de batailles, un peu moins les visages féminins. Le découpage de l’histoire est alerte (plongée – contre-plongée…) et sert bien la narration. Le format classique des 48 pages empêche le développement de certaines scènes qui auraient mérité plus d’ampleur (la scène finale de confrontation). Ne pas avoir lu les premiers tomes n’a absolument pas gêné ma lecture. Cependant, la réussite de cette histoire est liée au scénario qui nous sensibilise aux horreurs de la guerre. La légende de l’épopée napoléonienne est oubliée et c’est tant mieux. J’ai un jour découvert, adolescent ,les souvenirs de la première guerre mondiale de Blaise Cendrars (La main coupée) et ce livre a changé mon point de vue sur une grande partie de l’historiographie en m’orientant vers des historiens moins « pompiers » pour le dire ainsi… Pour affirmer son propos, le scénariste alterne les petitesses des uns et des autres (vol des cadavres – un grand classique depuis Thénardier), les actes de courage ou de folie (cochez ce qui vous plait le plus) pour atteindre le fil rouge de ce tome 3 : le remords et la quête du personnage principal pour retrouver un médecin pas sympathique. Je ne vous en dis pas plus si vous n’avez pas encore lu.
Malgré mon commentaire qui peut paraître sévère, ce tome et les deux précédents vont rejoindre les bacs de ma bibliothèque afin de les faire découvrir à nos lecteurs…
Silence
Histoires de chutes : 2 livres insulaires, Sukkwan Island de David Vann et Choir d’Eric Chevillard
Le hasard des publications et de mes lectures m’a fait lire simultanément deux nouveautés récentes :
il y a un livre où un père et son fils partent sur une ile inhabitée au fin fond de l’Alaska : Sukkwan Island ;
il y en a un autre où tous les habitants n’ont qu’un désir, un rêve : quitter l’île.. qui s’appelle Choir... titre éponyme du second livre.
Dans le premier, on ne sait pas bien entre les deux héros (un père et son fils) qui est l’adulte et qui est l’enfant.
Dans les deux livres, les personnages sont prisonniers de l’île et surtout de celles qu’ils ont dans leurs têtes…
jusqu’à choir…
Dans les deux cas, il m’est absolument impossible de résumer mieux les histoires de ces livres au risque de tout dévoiler pour le premier ou de tout recopier pour le second. Je vous conseille fortement la lecture de ces deux livres. Leurs chutes sont assez inattendues… si j’essaie de tirer un peu vers l’ironie ces deux lectures malaises…
L’une, vous surprend au moment où vous ne vous y attendiez pas ; l’autre est une explosion poétique où il faut d’abord capter le rythme des phrases, des mots et des sons au risque de laisser choir le livre…
Pourtant, les deux livres ont ce point commun de décrire des îles prisons révélant celles contenues dans les têtes des héros.
Sukkwan Island de David Vann est un premier roman, publié dans la collection « nature writing » de l’éditeur Gallmeister qui a publié, entre autres, l’excellent Le Livre de Yaak de Rick Bass. C’est ce livre qui m’a conduit à créer mon second blog : Rick Bass et les nature writers… Cette collection « nature writing », sous-titrée : la littérature de la nature et des grands espaces , est un prétexte pour découvrir les rapports qui existent entre culture et nature ou l’inverse…
Choir d’Eric Chevillard est publié aux éditions de Minuit. Si vous ne connaissez pas encore le travail d’Eric Chevillard, je vous conseille les notules presque quotidiennes qu’il fait paraître sur le blog l’auto-fictif.
Silence
(alias Franck Queyraud)
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Addenda : j’ai écrit cette critique il y a exactement un mois aujourd’hui, nous sommes le 5 mars et je continue par être marqué par le coup de théâtre du livre de David Vann… et je ne sais pas si vraiment c’est un souvenir agréable de lecture… Je ne sais plus quand je rencontre ce type de livre si nous assistons à de la virtuosité ou si cette virtuosité est construite pour donner ce sentiment de virtuosité. Je ne sais pas si vous me suivez… J’attendrais de lire autre chose de cet auteur avant de me prononcer… n’empêche, un mois après, subsiste un malaise…
Alors, peut-être, je préfère retomber (pour ne pas dire choir) dans la prose rêveuse de Chevillard :
» Mais nous avons pris le goût d’attendre. Nous nous sommes installés dans l’attente. Il faut croire que nous nous y plaisons. Nous avons arrangé joliment ce séjour, non ? Nous extrayons le sucre de toute chose. Nous faisons mine de bouillir d’impatience et de rage dans les bulles irisées de nos bains de lavande. Nous endormons nos sens en les ravissant de musiques et mets raffinés. Toutes nos antennes vibrent dans des brises de parfums artificiels. Souhaitons-nous vraiment nous trouver d’un coup transportés dans le ciel ?
Aspirons-nous à moins de stabilité encore ? Si nous finissons par décoller, nous lâcherons la poudreuse pour le nuage, il n’est pas certain que notre pas y gagne en assurance. Dans les tempêtes du cosmos, ne regretterons-nous pas notre marécage ? » (pp. 102-103… Choir. – Ed. de Minuit, 2009)
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Cette critique du livre Sukkwan Island de David Vann est publiée dans le cadre de l’opération Masse critique du site Babelio qui permet de partager vos lectures avec d’autres lecteurs. A découvrir absolument !
Merci à l’éditeur pour l’envoi de ce livre et merci aux ours de Babelio !
Ce livre choc est auusi commenté par une autre lectrice, membre de Babelio, sur son blog Ma tasse de thé.
Un dictionnaire Lascaux qui interroge nos manières de conserver…
En 2009, un bibliothécaire est soucieux de se déplacer sur les réseaux informatiques à la poursuite d’un eldorado de documents et de ressources inédites.
Il est aussi soucieux de proposer à ses lecteurs, usagers, ou internautes ces ressources et les pistes de ses pérégrinations sur les sites Internet, découvrir des grottes enfouies sur des serveurs non indexés !
Depuis les premières bibliothèques grecques, il est plus que jamais soucieux de mémoire et de conservation de cette mémoire : nombre de sites Internet apparus dans les années 90 ont disparu à jamais, bien avant la mise en place du dépôt légal de l’Internet en 2006.
On peut considérer le net comme le règne de l’immédiateté, de l’inutilité, du moment présent. Pourtant, un bibliothécaire de 2009 ne peut pas raisonner ainsi, on l’entend parfois ce raisonnement « claustrophobe ? » parmi les collègues désabusés peut-être face à la masse de l’information disponible.
C’est une de nos missions que de garder trace de ce qui fut… pour nos enfants, petits enfants et générations du futur.
Traces, mémoire, racines…
Ouvrir le dictionnaire de Lascaux de Brigitte et Gilles Delluc (Editions du Sud-ouest, 2008), c’est compulser, de nouveau, la mémoire des hommes, des premiers hommes. Ces dessins ? Simples cartes de chasse ou naissance de l’art, la question reste en suspens selon l’angle de vue que l’on aborde.
C’est aussi s’interroger sur la manière de conserver les traces du passé.
Découverte en 1940, la grotte de Lascaux qui avait gardée intact pendant des millénaires les premiers dessins des hommes fut fermée 23 ans plus tard, le 17 avril 1963 à la demande du ministre des Affaires culturelles, André Malraux, pour cause de pollution. Vingt ans plus tard, en juillet 1983, une reproduction à l’identique de la grotte (Lascaux II) fut ouverte pour permettre la transmission au grand public de cet inestimable trésor.
Avec plus de 500 entrées, ce dictionnaire nous propose quelques heures de pérégrinations pour tout savoir sur ces premiers hommes… et réfléchir – c’est la piste que je vous propose ici – à nos claustrophobies vis à vis des espaces confinés… grottes ou Internet !
Silence
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Cette critique est publiée dans le cadre de l’opération Masse critique du site Babelio qui permet de partager vos lectures avec d’autres lecteurs.
Ne lisez pas ce livre !
Ne lisez pas ce livre !
Lequel ?
Petites leçons sur le grec ancien de Jacqueline de Romilly et Monique Trédé, paru aux éditions Stock en 2008.
Ne lisez pas ce livre !
Drôle d’injonction pour un billet qui voudrait d’abord faire une critique dithyrambique sur son écriture : parfaite, limpide. Patientez un peu, et je vous dirai, pourquoi il ne faut pas lire ce livre. Continuons !
Ce qui fait de cette lecture, une joie ? C’est la jubilation de son auteur, professeur mondialement reconnu de grec ancien, membre de l’Académie française, pour nous communiquer sa passion, la passion de sa vie, sur cette langue dite ancienne.
» On ne célèbrera jamais assez les mérites de la culture de la Grèce ancienne et l’influence que cette culture a exercée sur la nôtre « . Et puis, » La langue grecque présente en effet cette particularité de n’avoir jamais cessé, depuis la plus haute antiquité, de se répandre à travers le monde entier, sans être jamais imposée par une autorité politique quelconque.«
Il peut paraître incongru aujourd’hui d’apprendre une langue que l’on qualifie avec un peu de mépris de morte. Au contraire, Jacqueline de Romilly et sa collègue Monique Trédé nous montrent la persistance de cette langue malgré la disparition de la civilisation grecque ou encore l’omniprésence des mots grecs dans notre langage de tous les jours (le bio mis à toutes les sauces, si l’on peut dire ainsi), enfin, l’influence de la pensée grecque qui diffuse depuis plusieurs millénaires ses effluves sans que nous nous en rendions toujours compte dans les modes de pensée et de fonctionnement de nos démocraties.
Les deux premiers chapitres restituent tous ces apports et lancent aussi un appel : » depuis un demi-siècle, dans bien des pays, une crise touche les études classiques. Elle est grave, et dangereuse. Nous sommes nombreux à nous élever contre cette crise qui ne relève, en réalité, que de l’organisation de l’enseignement ; car, dans l’opinion, le grec a les faveurs de la plupart. Il faut donc lutter, et lutter fermement ! Si nous semblons entrer dans un nouveau Moyen Age, si les spécialistes de langues anciennes, de plus en plus rares aujourd’hui dans nos Universités, évoquent irrésistiblement les copistes du XIIIème siècle ardents à maintenir la flamme derrière les grilles des monastères, nous pouvons au moins espérer que, tout allant plus vite que par le passé, la crise sera brève et bientôt révolue.«
Le grec ancien en a vu d’autres ! » On ne peut que rester confondu devant la force de diffusion qu’a montrée cette langue à travers tant de crises et de renaissances.«
Enfin, tous les chapitres suivants sont là pour nous démontrer subtilement comment cette langue allie précision et beauté. Les deux auteurs ne sont pas là pour asséner un quelconque baratin de chaland ! Vous sortez de la lecture avec une seule envie : apprendre le grec ancien.
Au début de cette chronique, je vous disais : ne lisez pas ce livre ! Vous savez pourquoi maintenant. C’est à vos risques et périls… Si toutefois, vous persistez dans l’idée d’apprendre un peu de grec, rendez-vous ici.
Silence
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Cette critique est publiée dans le cadre de l’opération Masse critique du site Babelio qui permet de partager vos lectures avec d’autres lecteurs.
Vaincre ? Les Pôles ? Ils les ont vaincu ? Et maintenant…
Se retirer dans un monastère et faire vœu de silence ? Ascétisme ?
Gravir des montagnes pour atteindre les cimes ? Ascétisme ?
Conquérir les pôles ? Ascétisme ? Vivre dangereusement… pour se sentir vivre ? Obsessions ? Variations sur le mythe d’Icare ? Dépassement de notre humaine condition ?
Pourquoi les hommes qui s’adonnent à ces extrêmes nous fascinent-ils ?
Déjà en 1905, Jean-Baptiste Charcot dans son livre « Le Français au pôle Sud posait la question :
« D’où vient l’étrange attirance de ces régions polaires, si puissante, si tenace qu’après en être revenu on oublie les fatigues morales et physiques pour ne songer qu’à retourner vers elles ? D’où vient le charme inouï de ces contrées pourtant désertes et terrifiantes ?«
Préliminaire à la présentation de Chantal Edel, cette citation introduit deux récits de voyages adaptés par Charles Rabot et publiés en 1913 et 1914 dans le magazine Le Tour du Monde : récits de l’exploration du pôle sud par Roald Amundsen et Robert Falcon Scott réunis sous le titre :
Ils ont vaincu le pôle – Presses de la Renaissance, 2008
Qui a réussi et qui est mort, après avoir réussi à atteindre ce pôle onirique ? Aucune importance…
C’est le chemin qui est important et les mécanismes en marche dans la tête de ces hommes : « bourlingueurs du froid partant au nom du progrès sans souci du retour« . Ce qui nous fascine ? L’homme mis à nu : » pas de triche possible dans cette existence confinée qui met à nu les caractères«
Mais la lecture de ces deux récits rédigés à une époque où le monde allait changer de manière irréversible pourrait être aussi le prélude à une prise de conscience des dangers qui menacent ces étendues désolées qu’elles soient aux pôle nord ou sud. Après l’ère des records en tout genre, il est venu le temps de connaitre réellement pour mieux protéger et tout simplement continuer à vivre… ensemble si possible.
Compléter ensuite la découverte des ces territoires et des hommes qui y vivent par les livres de Jean Malaurie serait une suite logique, comme ce Terre Mère qu’il a publié récemment et dont je vous ai déjà parlé dans un précédent billet : » Pourquoi notre monde n’écoute jamais ses sages ?«
Je ne peux m’empêcher de citer ce passage :
« Connaissance de l’autre et non voyeurisme. La compréhension ne peut naitre que de joies et de douleurs communes. La culture n’est en effet que le reflet de la vie… Encore faut-il la vivre. Saisir une civilisation en termes de destin est à ce prix. Il est urgent de réveiller le nomade que chacun porte en soi. C’est le devoir de l’historien, de l’ethnologue, du philosophe, d’en finir avec le temps des colloques, de sortir de ses musées et de ses bibliothèques pour aider l’homme à se découvrir un autre lui-même dans ces « vrais » voyages que sous-tend son imaginaire. » (Jean Malaurie, 1990)
Silence
Voir aussi un site consacré aux explorateurs.
Et cet article sur l’Année Polaire Internationale.
Cette critique est publiée dans le cadre de l’opération Masse critique du site Babelio.
LIVRES A ADOPTER : c’est le retour de Masse critique 3 de Babelio
Blogueurs lecteurs bibliothécaires, l’opération Masse critique 3 a encore des livres à vous proposer…
On lit, on écrit un commentaire sur le livre, on publie simultanément sur notre blog et sur Babelio la critique du livre.
Simple, non ?
Pour les contacter, cliquez vite ici…
Silence
« Jusqu’à Tombouctou » un carnet de voyages de Michel Jaffrennou et Henri Gougaud ou un livre sur la diversité culturelle en action
Qu’ont en commun la chaine franco-allemande Arte, le magazine Mondomix, les radios France Culture, France musique(s), TSF ou FIP, les éditions Frémeaux associés et leur librairie sonore… avec Michel Jaffrenou et Henri Gougaud, auteurs du livre « Jusqu’à Tombouctou » publié par les éditions d’Arte et celles du Point d’exclamation ?
Ils sont tous des militants actifs et convaincus de la promotion d’une diversité culturelle en actes plutôt que de paroles. Diversité culturelle : expression grandiloquente, à la mode, que l’on emploie partout à tort et à travers, dans les discours, mais dont on voit finalement si peu la réalisation concrète… En ces temps de menaces sur les politiques culturelles, tous ces acteurs cités plus haut, créent des micros résistances au conformisme consensuel ambiant.
Ainsi ce carnet de voyages dessiné, collé, écrit de Michel Jaffrennou : Jusqu’à Tombouctou, avec des textes du conteur Henri Gougaud. Ce carnet n’est qu’un élément d’un projet plus vaste : la réalisation d’un film autour de trois musiciens africains :
« Les trois grands artistes maliens, Habib Koité, Afel Bocoum, et le groupe de femmes Tamasheks Tartit, ont décidé de créer le groupe « Desert Blues », pour chanter l’union du Mali, dans la diversité de tous ses peuples. La réunion sur une même scène de 3 artistes issus d’ethnies différentes – Bambara, Songhai et Tamashek – représente un véritable symbole au Mali, un pays où les sècheresses provoquent des affrontements civils.
Pour créer un univers visuel qui rende compte de leur parole, de leur imaginaire, de leur humour, l’artiste et réalisateur Michel Jaffrennou (voir son interview) est allé à leur rencontre, de Bamako à Tombouctou, dans le pays mandingue, sur les rives du fleuve Niger… Dans ses carnets de voyages il a dessiné le soleil, le sable, le fleuve, des djinns et des génies… Il a ramené la lumière et la magie du Mali pour devenir leur « griot » des pixels, pour concevoir des images qui s’entrelacent avec la musique et se métamorphosent pour nous faire voyager dans la poésie musicale de Desert Blues. »
Le livre « Jusqu’à Tombouctou » est donc un des éléments (avec le film, le DVD, le spectacle) de ce travail qui a duré pendant plus de deux ans. Il réunit les dessins et les réflexions de l’auteur auquel il associe des contes africains de Henri Gougaud.
Marc Bénaïche, le responsable de Mondomix écrit ailleurs dans l’éditorial du magazine de mars 2008 :
« Notre société est tellement obsédée par l’individualisme que nous sommes devenus une société de narcisses qui s’abiment dans la contemplation de leurs propres images, et qui atteint profondément la gouvernance même de notre société. Force est de constater que le narcisse supporte mal l’intérêt général, il y voit une entrave à son bien être et à sa sublimation. Le narcisse aime critiquer les initiatives collectives et solidaires qui par définition sont « mal gérées » et « dispendieuses ». Le narcisse veut liquider ces initiatives car elles le renvoient à son propre égoïsme. Aujourd’hui, une profonde remise en cause de notre système social et culturel est en cours. Et même si tout le monde est d’accord pour que l’État soit plus efficace, moins coûteux et mieux géré, pourquoi tuer des initiatives généreuses et si peu chères ? »
Ce livre n’est pas un livre de narcisse mais il illustre à merveille ce proverbe africain cité dans l’éditorial de Mondomix :
« Si tu veux aller vite, marche seul
et si tu veux aller loin, marche avec d’autres ! »
jusqu’à Tombouctou… par exemple…
Silence
Cette critique est publiée dans le cadre de l’opération Masse critique du site Babelio.
« Journée lunaire » d’Emmanuel Olivier aux éditions L’Altiplano
« Merci à ceux qui m’ont supporté« . Telle est la phrase en exergue au premier livre de bande dessinée d’Emmanuel Olivier : Journée lunaire publié par les récentes éditions L’Altiplano. Tel pourrait être aussi le dilemme de Thomas, le personnage dépressif de cette bande dessinée placée sous les auspices de l’astre sélène , qui ne supporte plus sa vie, les autres, la société…
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On a tous connu une journée comme celle vécut par Thomas, le héros perdu de cette histoire. Journée sans lumière, journée sans âme. Journée noire et blanche comme le trait et les dessins de l’auteur. Ambiances sombres et quotidien désolant où l’on n’a plus envie de rien. Parfois, au détour du vol, de deux mouches, les pensées de l’auteur semblent se mélanger avec les propos du personnage. Thomas ne sait plus où il en est, proche de la folie, est persuadé que ses cauchemars se réalisent dans la vraie vie. Thomas vivra une journée explosive, libératrice pour atteindre la catharsis qui le libèrera de son quotidien, pour transformer ses cauchemars en rêve, retrouver une certaine sérénité, un autre rythme.
Graphiquement, sur ce premier travail publié, la force de l’histoire permet de faire passer les proportions parfois approximatives des personnages. On privilégiera les cadrages et cette utilisation judicieuse du noir et blanc pour les mises en situation grâce à une multiplication de traits incisifs pour créer du dynamisme.
D’après sa notice bibliographique, Emmanuel Olivier est né en 1983. « Après quelques tâtonnements, il s’est lancé pleinement dans la bande dessinée lors de ses études aux Beaux-Arts d’Épinal. Actuellement en quête d’un emploi, mais guère convaincu par la démarche, aussi commune soit-elle, il se demande, lui aussi, s’il a encore le droit de croire en ses rêves. »
Un jeune auteur à encourager…
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Cette critique est publiée dans le cadre de l’opération Masse critique du site Babelio.
Silence.
Ohé du (biblio)blogueur ! Il reste des livres à critiquer ! Babelio grâce à son opération Masse critique vous offre un livre !
Ceci est un appel pour participer à Masse Critique du site Babelio.
Il reste des livres à critiquer et les ours de Babelio vous en envoie un « gratos » à deux conditions : vous êtes membre de Babelio et vous tenez un blog.
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Ensuite, il suffit de lire le livre et d’ajouter sa critique… puisqu’il sera dans votre bibliothèque…
Illico presto, allez vite choisir le ou les livres que vous souhaiteriez partager avec les autres…
Silence