Wikipedia
Se former, s’informer, expérimenter : quelques lieux de savoir en bibliothèque publique
La bibliothèque publique est un lieu multidimensionnel de savoir, au cœur de la cité et via des territoires virtuels. Elle propose des espaces partagés par des communautés aux usages très différents. Depuis une génération, le web, dernier né des lieux de savoir, s’incorpore progressivement dans les espaces physiques et virtuels de la bibliothèque. Le catalogue en ligne de la bibliothèque a été le premier dispositif d’élargissement du partage des savoirs à l’ère numérique. Dès son origine, la bibliothèque a été un lieu particulièrement propice à l’éducation et à la formation des individus. La dénomination Learning Center le réaffirme mais semble limiter les autres fonctions et usages de la bibliothèque publique.
Si elle est un lieu de prescription et de reconnaissance des savoirs, la bibliothèque est aussi cet espace partagé aux pratiques variées des usagers-flâneurs-consommateurs-lecteurs, endroit particulièrement adapté aux mobilités, à la sérendipité et au « braconnage » comme l’a si bien décrit Michel de Certeau 1.
Aujourd’hui, le développement des communautés d’intérêt sur le modèle pair-à-pair, via la Toile, impacte les formes et usages traditionnels des pédagogies autour de la transmission et des échanges de savoirs.
Le numérique pour les bibliothèques élargit les chemins d’accès aux savoirs et transforme leurs transmissions à tous les niveaux : de l’offre de formation aux formes d’accueil des publics, en terminant par les propositions kaléidoscopiques de leurs actions culturelles. Auteur de la monumentale – mais jubilatoire – somme encyclopédique Lieux de savoir, Christian Jacob rappelle qu’un lieu de savoir est à la fois un lieu de construction, de matérialisation, d’objectivation, d’inscription et de circulation sociale.
Ainsi, aux premières formations d’initiation aux outils pour lutter contre la fracture numérique, les bibliothèques intègrent aujourd’hui des ateliers diversifiés pour enrichir l’encyclopédie Wikipédia, corriger et éditer à la manière de moines copistes les livres libres de droit de la bibliothèque Wikisource, ou apprendre la grammaire du code. Elles développent des pratiques collaboratives et créatives comme celles autour des machinimas, ces petits films fabriqués à partir des univers vidéo-ludiques, ou encore, renouvellent la forme de l’atelier d’écriture en y associant un blog, cet outil symbole de la démocratisation de l’écriture.
Plutôt qu’un état de l’art exhaustif, voici un choix de quelques lieux emblématiques d’une bibliothèque publique d’aujourd’hui. Lieux que l’on peut pratiquer seul, en groupe ou de manière coopérative, lieux qui égrènent des pédagogies adaptées.
La bibliothèque a suivi la tectonique numérique. Dès les années 1960, elle a investi les nouvelles possibilités de stockage des données (microfiches, cédéroms, base de données…) ; numérisé des collections du patrimoine écrit et permis leur consultation ; développé une informatique de gestion interne pour construire des catalogues informatisés (SIGB) ; favorisé la connaissance et la diffusion des logiciels libres (première logithèque en France à Caen, en 1984) ; proposé des postes d’accès au web pour les publics dès le développement du réseau des réseaux, ainsi que des formations pour lutter contre la fracture numérique. Les bibliothèques ont créé de nouveaux profils (informatique, animateur multimédia, médiateur numérique) et de nouveaux départements (informatique, espaces multimédias, médiation numérique), mêlant « inextricablement le concret et l’abstrait, le matériel et l’immatériel, le technique et le mental, l’individuel et le social » pour reprendre Christian Jacob 2.
Des ateliers contre la fracture numérique,
individualisés et collaboratifs
Très vite, les bibliothèques ont proposé des ateliers d’initiation aux logiciels de traitement de texte les plus utilisés, permettant la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de motivation. Des partenariats avec Pôle emploi – par exemple – ont été régulièrement passés. Des sessions pour apprendre à naviguer sur le web, sur le portail de la médiathèque, ou pour savoir utiliser les outils comme le célèbre « mulot » présidentiel complètent ces premiers apprentissages. Les participants trouvent dans ces ateliers une écoute, une aide profilée à leurs demandes de façon collective ou individualisée.
La dématérialisation totale des procédures administratives remet aujourd’hui en avant les ateliers de lutte contre la fracture numérique proposés par les bibliothèques depuis l’arrivée des premiers ordinateurs. La formation initiale des bibliothécaires peine encore à rattraper les besoins actuels, notamment pour intégrer une culture de l’expérimentation et de la bidouille qui n’est pas encore entièrement « raccord » avec la culture administrative. Des associations comme « We tech care » viennent désormais accompagner la mutation nécessaire des collectivités, et ceci malgré plusieurs dispositifs développés depuis 1998 comme les espaces publics numériques (EPN).
Le développement des postes d’accès à Internet et du wi-fi a renforcé la nécessité de développer des ateliers d’inclusion numérique pour les publics les plus éloignés. Ce qui incite à une réflexion sur les limites d’intervention du bibliothécaire : jusqu’où aider les personnes dans cet accompagnement ? Comment rendre l’usager autonome et ne pas faire « à sa place » ou à la place de l’organisme responsable de la dématérialisation ? Est-ce vraiment la mission d’un bibliothécaire d’aider une personne à remplir sa déclaration d’impôts ou une déclaration d’accident pour une assurance ? La lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme doit pourtant rester une priorité des politiques publiques. Les risques de désengagement existent déjà, comme celui de concéder ces apprentissages aux supposés « désintéressés et empathiques » fournisseurs d’accès aux savoirs que sont les GAFAM. La presse bretonne 3 – sans beaucoup de mesure – s’est récemment félicitée du choix « judicieux » de Google de « choisir » Rennes pour son premier atelier numérique, avec le soutien des acteurs locaux : ateliers gratuits et accessibles à tous. Comment résister à cet apport si généreux pour résoudre rapidement la tension née du passage obligé à la dématérialisation décrétée pour 2020 ?
Autoformation et éducation aux médias et à l’image
L’accélération continue induite par le numérique devrait au contraire nous conduire à nous interroger sur les conditions pour procéder aux meilleurs aménagements. Certes, développer des espaces avec des tablettes et des ordinateurs hyperconnectés renforce l’image de modernité de la bibliothèque, mais doit aussi – en amont – s’accompagner d’une réflexion sur l’adaptation de ses missions pour créer de réelles alternatives aux solutions d’entrisme des consortiums mondialisés, peu intéressés par l’émancipation du citoyen.
Le « service » ressources numériques des bibliothèques vient ainsi offrir un espace virtuel d’autoformation et de loisirs 24/7, aux abonnés : de l’atelier informatique en passant par l’apprentissage de langues, la consultation de la presse ou le visionnement de musiques, de films ou de documentaires. Réseau Carel est une association de bibliothèques publiques, regroupées autour de la Bpi, qui recense ces ressources, encourage leur développement et en négocie les droits pour les collectivités adhérentes.
L’espace autoformation est une offre individualisée et complémentaire des ateliers informatiques dispensés par les médiathèques. Il est devenu cependant de plus en plus difficile de maintenir un tel service en raison de ses coûts prohibitifs et de modes d’accès souvent limités. La faible possibilité d’y introduire des prescriptions professionnelles ou d’en faire une médiation attractive est aussi un frein. Toutefois, la tendance actuelle des portails de bibliothèque permet d’intégrer ces ressources au catalogue et de les transformer en des ressources documentaires comme les autres. On reste ainsi dans l’espace virtuel de la médiathèque. Cette évolution élargira-t-elle l’audience, encore majoritairement constituée de personnes adeptes de l’autoformation ?
Revers du succès des réseaux sociaux, l’explosion des accès à l’information a aussi développé la libération de commentaires douteux, voire haineux. Chacun peut commenter désormais ce qui circule via le web. Sous couvert d’anonymat, on assiste parfois sur un réseau comme Twitter à des chasses aux sorcières personnalisées qui ont tendance à condamner le média concerné. Ces agoras virtuelles concurrencent les habituels lieux de débat de la cité. Pas un jour sans entendre l’expression fake news : nouvelle appellation de phénomènes anciens, mais qui a pris une ampleur polémique sans précédent sur le web. Légiférer ne suffit plus pour interdire ou condamner un usage malsain. Comment faire appliquer la loi à l’échelle mondiale ?
L’éducation aux médias et aux images (EMI) est l’un des nouveaux espaces de formation en construction. Professionnels de l’information, les bibliothécaires proposent désormais dans les bibliothèques des formations pour apprendre à sécuriser les comptes utilisés par leurs usagers et se former en matière de vie privée notamment. Juger de la pertinence des informations ou décortiquer le message apporté par une image émergent dans les programmations culturelles. Ainsi, les médiathèques de Strasbourg proposent un cycle de conférences autour des légendes urbaines et des rumeurs, accompagné d’ateliers de pratiques pour apprendre à décortiquer une information et connaître les sites qui peuvent aider l’internaute. L’intervenant est auteur d’un blog spécialisé, Spokus, mais aussi bibliothécaire universitaire.
La mutation numérique en cours bouleverse ainsi en profondeur les métiers des bibliothèques. Le bibliothécaire devient architecte de l’information et formateur. Doit-il devenir également un bibliothécaire spécialisé en sémiologie ? Dans tous les cas, il doit retrouver sa place entre prescription et médiation. Là aussi, les lieux d’expérimentations sont variés.
Travailler en réseau avec les communautés d’intérêt ?
Les nouvelles manières de s’organiser, d’échanger, d’apprendre et de transmettre les savoirs s’illustrent déjà en bibliothèque grâce à la philosophie collaborative du pair-à-pair, les travaux autour des communs de la connaissance ou encore les réseaux d’échanges de savoir. L’idée n’est plus de développer, chacun de son côté, de nouveaux outils ou dispositifs au sein de chaque bibliothèque, mais plutôt de travailler en réseau avec les communautés d’intérêts du web ou de son territoire. Parce que la bibliothèque apparaît comme un lieu neutre, non soumis à la publicité, elle est particulièrement adaptée pour recevoir en son sein des rencontres du type échanges réciproques de savoirs, nés au sein des mouvements de l’éducation populaire dans les années 1980.
Plusieurs expériences en bibliothèque témoignent de cette prise en compte.
Depuis une quinzaine d’années, des bibliothèques proposent des espaces de questions-réponses à l’échelle d’une médiathèque (Le Guichet du Savoir 4 de Lyon) ou en coopération entre médiathèques avec Eurêkoi 5 à l’initiative de la Bpi. Eurêkoi développe – depuis peu – des recommandations de livres, de musique ou de films, inspirées de l’expérience des médiathèques de Lorient : Je ne sais pas quoi lire 6. Tous ces dispositifs de médiation mettent en valeur les expertises des bibliothécaires. Eurêkoi fait le choix de la mutualisation : le réseau revendique 500 bibliothécaires participant à ce service. Le dispositif de Lorient est exemplaire car il prend aussi place dans un portail fédérateur dédié à toutes les démarches dématérialisées du territoire lorientais. Les qualités de ces services sont indéniables, mais peuvent-ils avoir de l’avenir à l’heure des réductions de moyens budgétaires et humains ?
Impossible donc de passer à côté des pratiques et des usages des communautés du web. La co-construction entre publics et bibliothécaires pour l’échange des savoirs semble être particulièrement adaptée pour élaborer des dispositifs de médiation pérennes et efficients, à la condition d’introduire des modalités de validation communes.
Des sites comme Babelio ou Sens critique en France rassemblent une communauté de lecteurs passionnés et de tout niveau. Ces espaces n’ont pas été initiés par les bibliothèques. Babelthèque, le service de Babelio pour les bibliothèques, propose l’enrichissement des notices du catalogue de la bibliothèque. C’est une ressource utile. Pourrions-nous y participer activement ? Cela serait souhaitable, mais en acceptant d’intégrer les codes sociaux et les modalités de ces réseaux pour y adapter nos avis et recommandations d’experts.
Wikipédia nous démontre chaque jour la pertinence du modèle pair-à-pair, sur le principe d’un bien commun de la connaissance : une ressource qui est gérée et construite par une communauté qui respecte des règles déterminées en commun.
À cet égard, le développement d’ateliers de contribution à l’encyclopédie Wikipédia ne nécessite pas de compétences « techniques » particulières en dehors de celles pour se connecter à un navigateur internet. Aucune compétence en code informatique n’est nécessaire pour écrire sur ce wiki, et l’éditeur visuel pour la mise en forme des articles est semblable à celui d’un traitement de texte. En termes de moyens, un atelier de contribution ne nécessite que quelques ordinateurs connectés à internet. Une petite bibliothèque, bénéficiant du wifi avec peu de postes d’accès à internet, pourra demander à ses utilisateurs d’apporter leurs PC portables.
Ce type d’atelier met en avant les collections de la bibliothèque, indispensables pour documenter les articles ; les compétences des bibliothécaires pour rechercher les bons documents et celles, pédagogiques, pour animer la séance. L’initiation est simple mais les échanges sont par la suite fructueux entre les participants.
Lors de l’événement Laboratoire d’Europe, Strasbourg 1880–1930 7 organisé par les Musées de Strasbourg et leurs partenaires culturels, des ateliers de contributions pour enrichir les notices d’artistes alsaciens de cette période se sont échelonnés sur plusieurs mois dans deux lieux : la médiathèque André-Malraux et la Bibliothèque des Musées. Résultats : une vingtaine d’articles créés ou enrichis avec une documentation spécialisée (un article a même reçu la labellisation « bon article », difficile à décrocher) ; la découverte de la richesse des fonds des deux bibliothèques ainsi que la constitution d’une communauté de contributeurs, pour la plupart novices lors de la première session. Les contributeurs ont continué leur participation en dehors des ateliers.
Topographies et cartographies culturelles
Les frontières entre action culturelle, ateliers de formation et médiation s’effacent de plus en plus. Il s’agit de dessiner d’autres cartes, de tracer d’autres chemins. Prenons deux exemples de ces évolutions autour d’un atelier d’écriture et d’un site de médiation dédié à la cartographie culturelle.
Le traditionnel atelier d’écriture à l’ère numérique peut se transformer en un parcours déambulatoire dans la bibliothèque, dans la ville et sur le web. À l’écart 8 était ainsi une déambulation littéraire dans Strasbourg avec le collectif d’auteurs L’aiR Nu, Anne Savelli et Joachim Séné, à l’occasion de la semaine des Racontars du numérique 2016 9. Les écrits et les lectures générés lors de cet atelier d’écriture numérique ont été ensuite cartographiés via un site construit pendant la résidence avec les participants.
De Nîmes vers ailleurs, expérience de cartographie culturelle 10 est un projet de médiation culturelle dédié à la cartographie numérique en bibliothèque. Il prend comme arrière-plan Nîmes et son agglomération et se présente sous la forme d’un outil éditorial permettant la présentation et la réunion des projets cartographiques. Il s’adresse directement aux habitants du territoire nîmois, mais aussi à tous les curieux du web.
Ce projet a été initié par Labo², le laboratoire des usages de Carré d’Art Bibliothèque de Nîmes (Gard). Tout comme Géoproject 11, autre projet dédié aux usages culturels de la cartographie numérique en bibliothèque, il peut être utilisé dans d’autres contextes éditoriaux. Il permet aux internautes de créer des récits cartographiques à caractère documentaire ou fictionnel en publiant du son, de la vidéo, des images et du texte directement sur la carte tout en offrant de l’inclure dans une narration.
La bibliothèque publique, un lieu tiers
D’autres espaces foisonnent dans les bibliothèques publiques : fablabs, Install Party autour du logiciel libre, bibliobox, Crypto Party pour initier les publics à la protection de leur vie privée, ateliers de code, de robotique ou d’initiation à l’édition de blogs, ateliers créatifs autour de la narration (machinimas) ou utilisation de lunettes de réalité virtuelle. La relation entre bibliothécaires et usagers peut être horizontale. La bibliothèque répond ainsi à l’une de ses missions de diffusion d’une culture scientifique liée aux technologies vers ses publics et construit, dans le même temps, un réseau de connaissances et de compétences en pair-à-pair en élargissant le cercle à tous les acteurs concernés.
L’utilisation du web renouvelle les modes de communication et de transmission avec et pour des communautés d’intérêt. Ainsi, la commission Labenbib 12 de l’Association des bibliothécaires de France (ABF) se présente comme un groupe de réflexion sur la mise en place d’espaces de fabrication numérique en bibliothèque. « Elle vise à souligner leurs missions et valeurs communes en permettant des rapprochements entre les acteurs de la fabrication numérique et des bibliothèques. » Elle développe un wiki, espace de ressources et de veille sur les fablabs, makerspaces, living lab… en bibliothèques, et anime une communauté de plus de 3 600 membres via un groupe Facebook où chacun peut questionner, partager ses initiatives, débattre en permanence. Un membre est toujours en veille pour aider.
La philosophie des réseaux d’échange de savoirs, des espaces de coworking et du Do It Yourself renouvellent les pratiques d’accueil et les méthodes pédagogiques des bibliothécaires : la bibliothèque devient un lieu tiers.
Par exemple, la médiathèque des Champs libres de Rennes organise des rendez-vous coopératifs 13 (Rendez-vous 4C)14 où les participants se retrouvent autour d’un intérêt commun, décident ensemble de ce qu’ils font et de la façon de le faire. Ils travaillent avec les communautés du territoire, comme à l’occasion des journées européennes du patrimoine 2017, où la communauté OpenStreetMap d’Ille-et-Vilaine s’est mobilisée pour lancer un projet original : la cartographie du musée de Bretagne 15.
Ces Rendez-vous 4C s’installent dans plusieurs espaces adaptés de la médiathèque. Les Champs Libres accompagnent les initiateurs de rendez-vous, facilitent la coopération autonome entre les participants et mettent leurs ressources à disposition des projets du groupe. Les ateliers durent deux heures, un ou plusieurs jours, sont gratuits et basés sur une participation bénévole, ils aboutissent à une mise en commun (une maquette, des photos, un billet de blog, une simple conversation). Le déroulement de l’atelier et les résultats sont documentés sur un blog Tumblr sous licence libre, de façon à pouvoir être rediffusés et servir à d’autres le plus largement possible. « En 2016, il y a eu 1 251 participants, 20 projets, 169 rendez-vous », énumère Samuel Bausson, webmaster. « Les Champs Libres n’organisent rien. Les gens font ensemble par et pour eux-mêmes. Tout est renvoyé à leur propre réseau et responsabilité. » Les bibliothécaires « facilitateurs » sont là si besoin et réalisent des points réguliers avec les porteurs de projets.
Dans les exemples précédents, ces types d’ateliers utilisent un processus collaboratif (Social peer-to-peer process), forme décentralisée de travail collaboratif reposant sur des principes proches des réseaux informatiques pair-à-pair. Les participants ne sont pas soumis à une autorité hiérarchique et chacun est libre de contribuer sans sélection préalable. Ils sont unis par un projet commun ou un bien commun que peut produire le groupe. Enfin, il n’existe pas de collaborateurs indispensables, même s’il peut exister des plus ou moins gros contributeurs. En quelque sorte, chacun produit sa propre gratification.
Michel Bauwens, le théoricien du peer-to-peer et cofondateur de la P2P Foundation 16, parle de système hyperproductif. La version française de Wikipédia affichait fin septembre 2018, 2 044 225 articles et 17 554 contributeurs actifs. Peu importe pourquoi une personne contribue, l’important est de participer. C’est un usage particulièrement mature et citoyen à souligner. Agir en commun pour faire fabriquer des communs représente l’une des pistes les plus enrichissantes pour la bibliothèque publique et pas seulement en termes de valorisation de la bibliothèque.
Le mouvement des tiers lieux 17 vient aussi interroger la place des bibliothèques qui n’ont pas le monopole de l’éducation, du partage et de l’échange. La bibliothèque publique est en pleine ébullition pour positionner et adapter ses missions traditionnelles au nouvel environnement d’accès aux savoirs et aux connaissances, et répondre avec ses moyens à la lutte collective pour la réduction des inégalités. Son modèle doit rester adaptable en permanence, selon son territoire et sa tutelle (bibliothèques publiques, universitaires…). La bibliothèque, lieu des savoirs, est devenue un lieu de mémoire vive…
Comment optimiser et rendre accessibles tous ces lieux de savoir est l’une des questions majeures qui se pose désormais aux décideurs publics dans leur construction de politiques publiques cohérentes. Comme le rappelle Marie-Claude Blais dans un ouvrage collectif : « Nous sommes définitivement passés d’une société de transmission à une société de la connaissance, ce qui signifie qu’on est passé de “l’impératif de transmettre” à un “modèle centré sur l’acte d’apprendre” 18. »
Cut-up partiel et partial d’un médiateur numérique d’aujourd’hui (Texte lu au Congrès de l’ABF 2014)
Ce texte a été écrit pour le Congrès des Bibliothécaires à Paris qui s’est tenu du 19 au 21 juin à Paris, pour la table-ronde Atouts et faiblesses de notre métier.
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Je ne suis plus celle que j’étais, nous dit Anne Verneuil, dans son article inaugural au dossier de la revue Bibliothèques, la revue de notre communauté. Je ne suis plus celle que j’étais…moi non plus… Je ne suis plus celui que j’étais quand j’ai débuté dans ce métier, il y a un peu plus de vingt ans maintenant. Ou plutôt, je ne fais plus tout à fait le même métier. Je m’occupe de médiation numérique. C’est nouveau, et puis c’est vieux comme le monde.
Martine Farget, Directrice Générale Adjointe à Plaine Commune en Seine Saint-Denis martèle : Le numérique a modifié le « cœur de métier » des professionnels, il est omniprésent dans la relation avec l’usager. Il paraît impensable pour les élèves venant travailler en médiathèque de ne pas pouvoir apporter leur ordinateur ou entreprendre des recherches sur ceux qui sont mis à leur disposition au même titre que pour des documents papiers. Le numérique a modifié le cœur de métier de tous les professionnels, pas seulement le métier des bibliothécaires.
Nous devrions être heureux de la situation présente. Celle du bouleversement total de notre métier et de tout son environnement, de son écosystème. Mais nous ne le sommes pas, pas encore. Des nostalgies nous gagnent, parfois… Je suis un indécrottable optimiste. Et, nous devrions être heureux de voir le monde s’engager dans un monde qui nous est cher… le monde de l’écriture.
C’est cela, la chose importante pour moi : Le Web, c’est l’écriture.
Le Web, ce n’est pas seulement le caricatural Facebook. Le Web, ce n’est pas de la technophilie béate… Ce n’est pas Apple avec son Ipad qui a transformé le monde. Mais cette possibilité donnée à chacun – en principe – grâce aux réseaux : cette potentialité de pouvoir écrire, de s’exprimer de mille manières possibles.
Le Web, c’est l’écriture. L’écriture partagée… immédiate parfois. Ce sont parfois bouteilles à la mer avec messages dedans… Ce n’est pas que du commerce ou une nouvelle manière de profiler les usagers… bien que ce soit cela aussi.
C’est Michel de Certeau dans son Invention du quotidien, en 1980, qui cite François Furet : La modernisation, la modernité, c’est l’écriture. Et de commenter :« la généralisation de l’écriture a en effet provoqué le remplacement de la coutume par la loi abstraite, la substitution de l’Etat aux autorités traditionnelles et la désagrégation du groupe au profit de l’individu. Or cette transformation s’est opérée sous la figure d’un métissage entre deux éléments distincts, l’écrit et l’oral.»Il avait eu une belle intuition Michel de Certeau… Cette omniprésence de l’individu…
Ce qu’il ne pouvait pas encore imaginer, c’était la naissance du Web, onze ans plus tard, en 1991. Et le formidable déplacement engagé depuis : ce mouvement des sources du savoir vers une dématérialisation en réservoirs gigantesques reliés entre eux, dématérialisation que nous avons plus subit que souhaitée ou anticipée. Dans notre littérature professionnelle, pourtant, nombreuses sont les occurrences concernant une bibliothèque universelle. Nous devrions être heureux de cette situation. L’utopie de Paul Otlet et de son Mudaneum semble se réaliser. Il y a bien sûr déjà des dangers pour que tous ces immenses réservoirs ne soient contrôlés que par quelques acteurs mondiaux… totalitaires.
Le Web, c’est l’écriture. Nous vivons une époque formidable et paradoxale, celle du grand mixage entre un oral que je qualifierai d’écrit – un oral écrit –à l’image de twitter ou de facebook… et de nouvelles formes de diffusion de l’écrit que sont les blogs, les ateliers d’écrivains sur le Web, les instagram, les snapchat, les you tube – des mots, des images, des sons – l’écrit et l’expression sont multiples aujourd’hui – la profusion des portes d’accès aux savoirs nous perturbe – nous sommes dans le labyrinthe borgésien, un peu perdu – le manque de repères nous désole – nous rêvons voyages mais nous n’avons pas encore envie d’explorer – enfin, pas tous, heureusement – il y a des crapauds fous comme dirait Lionel Dujol, il y a même de plus en plus de crapauds fous parmi nous –
Un médiateur numérique pour moi, ce n’est pas la nouvelle mue de l’animateur multimédia – ce n’est pas la même chose – Ce qui nous désoriente toujours, c’est la mutation des figures d’autorité et nous ressassons – ah, mais tous ces blogs, ces livres numériques, c’est de l’autoédition – hein, c’est de l’autoédition. – autoédition, le mot qui condamne – Non, les blogs ce ne sont pas de l’autoédition – les figures et formes de validation ont changé…
Et puis, il y a ces nouvelles interactions à base de like, de cœur, qui nous semblent tout transformer en un immense monde kitsch.. Ah, ils racontent leurs vies sur les réseaux sociaux… mais qu’ont-ils à raconter sur ces réseaux sociaux… réseaux sociaux où ils sont, les gens, parce que justement, dans la vraie vie comme on dit maintenant – ce qui est un peu idiot entre-nous, dans la vraie vie, ils ne trouvent pas, les gens, des liens ou des solidarités qui leur importent. Voudraient bien mais ne trouvent pas. Plus d’un milliard d’individus sur Facebook. Incroyable, non ? Comment des réseaux sociaux littéraires comme Librarything ou Babelio ont réussi – eux – à transformer leurs usagers en contributeurs, à leur parler des livres qu’ils aiment ? A créer un lieu qui n’est pas virtuel puisqu’il y a interactions partages, rencontres et échanges fructueux.
Tous ces éléments nous perturbent tant, que certains, ne supportant plus le baroque foisonnant et permanent, veulent se déconnecter. On n’a pas encore commencé d’explorer ces nouvelles terra incognitae que nous voulons déjà nous déconnecter. N’oublions pas certains, qui ne le sont pas encore… connectés.
« La libre expression, la libre circulation des idées sont l’une des missions fondamentales des bibliothèques. Les bibliothécaires doivent donc rester attentifs à la constitution des collections, à leur politique d’acquisition, défendant toujours le libre accès à l’information pluraliste, pour les publics les plus divers. »Ce n’est pas moi qui le dit, mais Anne Verneuil et Claudine Belayche, toutes deux, Présidente et ex-Présidente de l’ABF, dans leur éditorial à la revue Bibliothèques. L’information pluraliste qui se trouve justement sur le Web, nous nous devons de l’explorer pour en détecter les pépites, les valoriser pour participer à cette grande et ambitieuse fabrique du citoyen qui fait partie de nos missions.
Je vous le dis tout net – sans jeu de mots – la pire idée que nous pourrions avoir serait d’imaginer des bibliothèques et des bibliothécaires déconnectés. J’adore les définitions et notamment celle-ci, celle du mot qui caractérise notre dépression actuelle.
Ce mot, c’est l’adjectif : asynchrone.
L’asynchronisme désigne le caractère de ce qui ne se passe pas à la même vitesse, que ce soit dans le temps ou dans la vitesse proprement dite, par opposition à un phénomène synchrone. Notre problème avec le Web est que sur ce Web, tout se passe partout et tout le temps et que nous ne pouvons pas – bien évidemment – être partout. On n’est pas au cinéma ou dans un roman, mais dans la vraie vie : matérielle, pragmatique, tellement concrète…
Le temps de l’ubiquité est pourtant arrivé et nous sommes désarmés. Nous avions l’habitude de travailler en équipes, efficaces, spécialisées… mais cela c’était avant…
Nous allons devoir investir les communautés agissantes du Web – pas comme un poisson rémora avec son requin, pas comme un parasite en essayant d’exister malgré tout avec nos anciennes manières de faire ou de communiquer – mais en faisant partie des communautés agissantes du Web et en apportant notre pierre à la construction et aux partages des savoirs. Défendre ce que ce sont nos biens communs…
Notre légitimité comme experts en recherche et conseils en information reviendra. Nous adorons classer, inventorier, valoriser… Qu’est ce que le Web change à cela ? Rien… C’est notre nature profonde. Repérer, classer, inventorier, valoriser, conserver… Pourquoi soudain ne plus le faire pour le Web ? Est-ce que ce n’est que pour des raisons de moyens humains et matériels ?
Travailler avec les communautés agissantes est une nécessité car nous ne pouvons pas agrandir indéfiniment nos équipes – les budgets sont en baisse, les postes se font rares, les contractuels ne sont pas remplacés… vous connaissez… Qui, dans cette salle, en 2001, aurait parié 1 euro sur la réussite de l’encyclopédie Wikipédia ?
J’organise depuis un an des ateliers de contribution à l’encyclopédie Wikipédia. L’ambition de ces ateliers est de construire une petite communauté de fourmis venant apporter leur pierre à ce chantier encyclopédique mondial.
A chaque séance mensuelle, il y a toujours de nouvelles personnes, curieuses, qui sont soit intéressées pour écrire, participer soit en ont assez de contribuer seules devant leur écran chez eux. Veulent rencontrer les autres. Ça tombe bien, on est ravi d’accueillir les autres. Ce type d’atelier à structure participative et horizontale est particulièrement bien adapté : la bibliothèque a les ressources nécessaires pour sourcer les articles comme on dit chez Wikipédia et devient lieu où l’on se retrouve. C’est un Fablab textuel…
Une des dernières participantes, une professeure de lycée, me demandait vendredi dernier : mais pourquoi tous ces contributeurs n’écrivent-ils pas des livres ? Quelles sont leurs motivations ? Pourquoi font-ils cela gratuitement ? Elle ne comprenait pas… elle était curieuse et un peu perplexe mais souhaitait tout de même organiser avec ces élèves une découverte de Wikipédia.
Eh oui, pourquoi, cette envie de participer, de faire sans en attendre de gratification… Il y a quelque chose qui ne tourne plus rond… On a un pseudo en général sur Wikipédia, on reste anonyme. Personne ne connait les 1350 contributeurs de l’article Strasbourg, article qualifié de qualité et qui est vu en moyenne chaque jour 1000 fois… 1000 fois…
Mince, tout ne serait pas que Selfie, alors sur ce Web…
C’est en analysant et en réfléchissant à ces nouvelles pratiques, ces nouveaux usages que nous arriverons à repositionner nos actions et nos indispensables médiathèques comme lieu d’échanges, de rencontres et de partages au sein de ce flux incessant du savoir. De ne plus rester au bord du fleuve à regarder l’eau couler.
Je ne suis plus [celui] que j’étais. Voici venu le temps des « bibliothécaires « reprofilés » – quelle horrible formule technocratique, vous ne trouvez pas ? – expression lue de nouveau dans la revue de notre communauté… Et, Anne Verneuil de nous interroger : Cela fait quelques temps déjà que nous assistons à un brassage de métiers dans notre métier. Voici venu les community managers, les web designers, les animateurs, les médiateurs, les producteurs de contenus… Quelle définition de leur travail ? Quelle intégration au sein des équipes ? Quels savoirs apportés, partagés, multipliés ? Moi : Va-t-on encore continuer de créer de nouveaux départements dans les médiathèques – moi je ne veux pas de département médiation numérique – je veux que mon poste s’arrête dans quelques années quand la mission – je l’espère – aura été remplie. La facette numérique doit faire dorénavant partie de tous les profils de poste, à des degrés divers, bien entendu.
A l’heure des Moocs – ces cours en ligne – ou des Fablabs – ces ateliers participatifs – comment allons-nous apprendre dorénavant ? A l’heure du web participatif, ce web que l’on apprend en faisant, comment allons-nous nous former pour transmettre ? Avons-nous perdu notre capacité de transmettre ? On voit bien la difficulté pour nos organismes de formation continue de renouveler leurs propositions. Ce monde va trop vite. Un outil apparaît, vit et le lendemain, ou presque, est déjà remplacé par un autre. On apprend désormais en partageant des savoirs ou des pratiques. On essaie un outil. On devient un bêta-testeur. Cela ne fonctionne pas avec le public que nous visions. Tant pis, on utilise un autre outil. On remettra donc vingt fois sur le métier son ouvrage. La formule de Boileau est bien adaptée dans notre cas…
Dans ce monde de vitesse, il nous faut nous hâter lentement, comme l’écrit encore Boileau dans son Art poétique. Un exemple : des collègues voulaient créer un blog autour des littératures ados. Comment avons-nous procéder ? Ce n’est pas l’informaticien de service qui l’a créé ce blog et puis l’a alimenté des articles envoyés par les bibliothécaires. Les bibliothécaires, jeunesse dans notre exemple, nous les avons réuni avec une collègue compétente et nous avons appris à utiliser et écrire ensemble un billet sur la plateforme de blog choisie. Chacun est devenu un contributeur, maîtrisant l’écriture et la mise en ligne. Ainsi pour chaque projet, la méthode est de trouver la personne qui connait l’outil et qui partagera son savoir aux collègues ce qu’il sait… C’est une manière de transmettre collaborative qui permet de démystifier la technique. Petit à petit, l’ambition est de redonner de la confiance aux bibliothécaires qui utilisent les outils du Web. Non, il n’y a pas besoin de connaître le fameux code pour écrire sur un blog. Non, vous ne casserez pas la machine, ou le blog.
Il nous faut refonder la formation pour nous adapter à ce nouveau monde. C’est un retour vers la forme de l’apprentissage des métiers artisanaux d’avant. Cela demande également de réfléchir autrement aux temps de travail – temps de service public, temps de travail interne, temps de formation… Maintenant, apparition de temps d’apprentissage partagé entre professionnels et usagers, dans les fablabs, par exemple. Les frontières se pointillissent… Pardonnez-moi ce néologisme !
Cela implique aussi d’avoir des outils appropriés comme des ordinateurs non bridés par des systèmes de sécurité trop restrictifs pour réaliser cet enjeu de formation capital. Il nous faut acquérir la majorité informatique. Ce n’est pas encore gagné.
Surtout, avant d’avoir l’ambition d’animer une communauté agissante sur le web, comme je lis souvent, il nous faut tester les outils et les usages, les connaître en les utilisant, les triturant assez pour en avoir une réelle appropriation critique. C’est ce qui manque encore. On ne teste pas assez. On n’est pas encore dans cette culture du test qui est pourtant comme une marque de fabrique du Web.
Je vais m’arrêter là. Je ne suis plus [celui] que j’étais depuis que j’ai commencé à travailler en bibliothèque. Ce n’est pas uniquement le métier qui a changé mais le monde et sa manière de transmettre les connaissances, depuis la montée en puissance des réseaux informatiques, depuis 1991. Je ne sais pas plus que vous où nous allons. Mais nous y allons. Je ne suis pas inquiet concernant l’avenir des bibliothèques à la condition d’ouvrir nos yeux et nos oreilles pour écouter nos publics et de ne pas rester au bord du fleuve.
C’est ce que rappelait Jean Gattegno, en 1989, dans son discours aux bibliothécaires : Je crois que c’est par cette écoute des usagers que vont mourir ou grandir les bibliothèques. C’est une phrase ambigüe. Comment la comprendre ? Je fais le pari qu’elles vont grandir, les bibliothèques. Je suis un indécrottable optimiste. On vit un changement majeur : celui où paradoxalement les écrits semblent s’envoler et nos paroles… rester… mais c’est une autre histoire. Apprenons à résister positivement !
Merci
FQ
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Ce texte est une sorte de cut-up, cher à William Burrough, et j’ai puisé dans la revue bibliothèques pour commenter certaines phrases ou remarques de nos collègues. Merci à eux.
Du concret :
Allez jeter un œil à cette formidable revue : MCD : magazine des cultures digitales qui vous apportera un éclairage enrichissant sur les communautés agissantes du Web. Surtout ne nous regardons pas trop le nombril, regardons autour de nous : les autres expérimentations qui ont lieu sur notre petite planète.
Le médiathème Jeux Vidéo est paru : écrit par des praticiens… une mine de réflexions… à ne pas manquer…
Enfin, pour que nous trouvions du livre numérique en bibliothèque un jour… n’oubliez pas d’aller signer la pétition d’Eblida qui sera remise aux instances de la Commission Européenne à la rentrée…
Retour d’expériences (épisode 1) : Le Web, les bibliothèques et nous… : des expériences concrètes en bibliothèques, compte-rendu d’une journée d’étude ABF PACA
Organisée par l’ABF PACA, le jeudi 15 décembre 2011 à la médiathèque de Saint-Raphaël avait lieu la première journée d’étude d’une série baptisée : «Retour d’expériences (épisode 1) : Web, bibliothèques et nous…».
Le principe de ce premier épisode était de présenter des expériences très concrètes d’usages et d’utilisations des nouveaux outils qui n’existaient pas il y a dix ans. Une seconde journée aura lieu en décembre 2012 autour des recommandations de lecture et du livre numérique et des différentes manières d’animer le tout ! 😉
Du concret, je vous dis ! Photographie de François Morey
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Premier intervenant, Bruno Neveux, bibliothécaire musical à la Médiathèque de Guebwiller (68) avait fait un long déplacement pour évoquer une expérience de musique en ligne sur le portail calice 68, menée dans les bibliothèques alsaciennes, expérience propulsée par Xavier Galaup dont on retrouvera sur son blog, le premier bilan de streaming musical en bibliothèques.
Voici la présentation de Music Me, offre de musique numérique dans les bibliothèques alsaciennes par Bruno Neveux
Cette première intervention et la suivante (Culture Wok) ont pu être filmées et podcastées. Malgré une qualité qui n’est pas parfaite (les intervenants et leurs spectacteurs voudront bien nous en excuser), il nous a semblé intéressant tout de même de vous faire partager le contenu et la parole de nos intervenants. Voici donc la présentation de Bruno Neveu dans la Vidéo 1 et la Vidéo 2
Le document de présentation est ci-dessous sous deux formes : en ligne, en cliquant sur l’image ou en bas pour la récupérer.
Vous pouvez la récupérer ici : Music Me Saint Raphaël 15 12 2011
Dis-moi où tu lis, et je te dirai qui tu es ! Photographie de François Morey
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Ne cherchez plus : Trouvez ! Tel est le slogan de Culture Wok, un moteur de recherche sensitive ! Sensitive, oui, terminé le catalogue « bassement » descriptif (je plaisante !). De l’info, du lien, de l’enrichissement, on veut ! maintenant : lecteurs et bibliothécaires !
Renaud Garcia, le créateur de l’univers Culture Wok est venu ensuite détailler cet outil qui permet aux bibliothécaires et à nos usagers de participer à un moteur de recherche sensitive. Médiation, vous avez dit ?
La présentation de Renaud Garcia se déroule dans la vidéo 3 et la vidéo 4.
et son power point, en cliquant sur l’image :
Vous pouvez également le récupérer ici : CultureWoK Saint Raphael journée ABF
Enfin, les tarifs 2012 de Culture Wok sont ici : Grille tarifaire 2012 pour les bibliothèques
et la plaquette d’information : PLAQUETTE_CULTUREWOK_
Information importante :
L’ABF PACA, LIBRAIRES DU SUD et L’ AGENCE REGIONALE DU LIVRE PACA ont en projet pour 2012 : « Livres dans le Wok ». Pour mémoire, il s’agit d’un projet de création d’un site internet collaboratif destiné aux acteurs de la chaîne du livre, basé sur le moteur de recherche sensitive Culture Wok, consistant à introduire des recommandations de lectures sur des ouvrages choisis par des bibliothécaires et des libraires et leur permettre d’effectuer leur principal rôle commun : la médiation et le conseil. Coordonné par l’ARL, le projet sera réalisé en partenariat entre l’association Libraires du Sud et l’ABF PACA. Dans un premier temps il sera « expérimental », l’idée est de proposer à dix médiathèques et dix librairies de PACA de constituer la base de documents. Celle-ci sera ensuite pérennisée et proposée à d’autres bibliothèques et librairies de toute la région. Première réunion prévue dans le premier semestre 2012. Si vous voulez en savoir plus, me contacter : franckqueyraud at gmail com. (Président ABF PACA)
Non ce n’est pas un moine de l’Abbaye d’Eco travaillant sur une encyclopédie !
Photographie de François Morey
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En début d’après-midi, pour cause d’encombrement de l’auditorium du Centre Culturel, nous avons poursuivi la journée dans les salles du troisième étage, et malheureusement, aucun film n’a pu être saisi.
Nous avons toutefois eu la joie d’accueillir un « wikimidien », membre actif de Wikimédia France qui gère projets et encyclopédie Wikipédia : Hervé Goldberg venu des hautes terres picardes pour nous parler des projets de Wikimedia avec les bibliothèques.
Voici sa présentation : Projets Wikimedia hervé goldberg Présentation ABF PACA
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Lire, on peut n’importe où ! Photographie de François Morey
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Pour clôturer cette journée, nous recevions Alexandre Simonet, Chef de projet prospective et médiations, arts et cultures numériques au Carré d’Art bibliothèques de Nîmes. Il venait nous parler : de l’art numérique en bibliothèque une chance pour le web 2.0 : Kiibook (livres d’art numérique) et cartographie culturelle.
Cela faisait longtemps que nous souhaitions inviter, Alexandre. Il nous présenta d’abord cette expérience remarquable nommée : Kiibook qui permet de créer des livres d’artistes numériques. En 2010, Alexandre avait eu la gentillesse de répondre à mes questions sur ce blog : créer des livres d’artistes ou l’expérience Kiibook du Carré d’Art Bibliothèques de Nîmes : rencontre avec Alexandre Simonet. L’opération continue et vous pouvez contacter Alexandre si vous envisagez un développelent d’ateliers Kiibook au sein de votre médiathèque.
Enfin, il nous présenta son nouveau projet, tout aussi formidable, alliant nouvelles technologies, cartes interactives, mémoires des citoyens nîmois et documents du patrimoine conservés dans les bibliothèques : De nîmes vers ailleurs, expérience de cartographie culturelle en bibliothèque. Voici ce qui est écrit sur le site, à propos du projet :
« De Nîmes vers ailleurs est un projet de médiation culturelle dédié à la cartographie numérique en bibliothèque. Il prend comme arrière plan Nîmes et son agglomération et cherche l’ouverture vers un ailleurs constitué d’expériences cartographiques similaires. Les tenants et les aboutissants du projet : sur le wiki de Labomedia
La cartographie interactive, une pratique culturelle à part entière
On ne compte plus en effet les sites web, ni les applications S.I.G (systèmes d’informations géographiques), fixes ou mobiles qui permettent de mettre en scène et de partager des données géolocalisées en temps réel. De nombreuses personnes envisagent la cartographie numérique comme un nouvel espace d’expression culturelle des réseaux sociaux et des territoires. Dotés d’une très forte expressivité ¹, ces outils constituent de véritables objets de savoirs et de connaissances issus des réalités autochtones permettant de valoriser les fonds locaux et/ou patrimoniaux des bibliothèques ou des musées.
Un outil culturel multifonction
De Nîmes vers ailleurs se présente donc sous la forme d’un outil éditorial permettant la présentation et la réunion des projets cartographiques. Il aide également à la création et à l’exportation de cartes interactives.
A qui s’adresse ce projet ?
Ce projet s’adresse à vous, que vous soyez nimois ou non, lecteurs, géographes, pédagogues, archéologues, historiens, artistes, acteurs du tourisme, médiateurs, étudiants, designers, informaticiens, journalistes, paysagistes, chercheurs ou simple curieux. Si vous avez un projet n’hésitez pas à nous le faire savoir en nous écrivant à bibliotheque.ecm@ville-nimes.fr
«Toute carte est prise dans un héritage quelle prolonge et transforme. Elle est la pointe provisoirement ultime d’une bibliothèque ou d’une cartothèque.» Jean Marc Besse in « Cartographie », Les carnets du paysage « Actes Sud et l’école nationale supérieure du Paysage », 2011. »
Deux projets qui ont ravis les participants à cette journée « retours d’expériences »… Elle aura démontré qu’avec un peu d’imagination (et pas seulement des moyens financiers), les bibliothécaires d’aujourd’hui ont des outils qu’ils peuvent utiliser pour créer des projets de médiation pertinents et actuels, modernes et novateurs. Arrêtons donc de voir dans le web une menace et imaginons, apprenons aussi et formons-nous aux nouveaux outils à notre disposition. Il faudra également faire évoluer l’offre de formation professionnele auprès des organismes habilités en régions (CNFPT, CRFCB, ENSSIB, ARL et même ABF…).
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Enfin, nous voudrions vous signaler que les photos de lecteurs et de lectrices sont l’oeuvre d’un ancien bibliothécaire : François Morey, bibliothécaire en retraite du côté de la Baie des Anges et ci-dessus en pleine occupation pour devenir le mécanicien de la battemobile… Le métier de bibliothécaire méne à tout ! Au fait (merci), François, lors de sa journée était venu exposer ces photographies : il y en a d’autres qu’ils se proposent d’exposer gracieusement dans vos bibliothèques. Si vous êtes intéressés, vous pouvez les voir ici et ici (c’est sur Facebook) ou contacter François, directement : francois.morey (at) yahoo (.) fr
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A suivre… Retours d’expériences (épisode 2) en décembre 2012 : recommandations de lecture et livres numériques dans tous leurs états… A suivre sur les pages régionales PACA du site de l’ABF. Pensez à adhérer ! Ca peut paraître ringard de militer ou de rejoindre une association, mais plus on est de fous… 😉
Enfin, de chaleureux remerciements pour l’accueil de la Ville de Saint-Raphaël, la présence et le soutien de l’Adjoint à la culture et de la directrice de la médiathèque, ainsi que des collègues de l’ABF PACA et de la Médiathèque de Saint-Raphaël ou du Centre Culturel qui ont aidés à la préparation de cette journée…
Franck Queyraud
Bibliothécaire et président de l’ABF PACA.
Promouvoir en bibliothèque en 2011, la musique, des recommandations de bibliothécaires, du livre d’artiste ou des arts numériques ou faire de l’encyclopédisme : une journée d’étude le 15 décembre
L’Association des Bibliothécaires de France groupe régional PACA (que je préside depuis peu) organise une journée d’étude intitulée :
« Retour d’expériences (épisode 1) : Web, bibliothèques et nous… »
Médiathèque de Saint-Raphaël––Place Gabriel Péri – 83700 Saint-Raphaël
le jeudi 15 décembre 2011
Dans cette journée, il s’agit CONCRETEMENT de montrer des expériences numériques qui sont en cours ou ont eu lieu autour de :
* la musique avec l’expérience sur la musique en streaming développée en Alsace à l’initiative de la BDP du Haut-Rhin et de Xavier Galaup (Président de l’ACIM) : comment continuer à proposer une offre musicale en bibliothèques alors que les individus ont ou vont avoir la possibilité avec leurs abonnements téléphoniques, de télévision ou du web de se passer totalement de nous ? Dommage, non ? Diversité musicale, action culturelle, découverte et conseils… à la trappe ? Quel bilan peut-on tirer de cette expérience alsacienne ? Doit-on généraliser ce modèle ? Nous accueillerons Bruno Neveu, bibliothécaire musical à la Médiathèque de Guebwiller (68), un des animateurs de cette initiative remarquable…
9h30 Présentation de Music Me, offre de musique numérique dans les bibliothèques alsaciennes par Bruno Neveu, bibliothécaire musical – Médiathèque de Guebwiller (68) suivi d’ échanges avec le public
* Comment faire participer nos usagers à la vie de nos catalogues de bibliothèques, donner un peu de vie, de clarté (si j’ose dire) à nos OPAC très, trop stricts : titre, auteur, éditeur, lieu d’édition… Même si la description bibliographique est indispensable et condition pour accéder aux ressources, il nous faut désormais développer la participation des usagers et leur permettre de partager, par exemple, leurs coups de coeur (mais pas seulement !) sur nos outils, pour enrichir nos catalogues, faciliter les recherches et le partage de la connaissance. Tout reste à inventer encore. Renaud Garcia, le créateur du moteur de recherche sensitif Culture Wok, viendra nous présenter ce nouvel outil qui pourrait être associé à nos portails de bibliothèques, être un outil pour développer une vraie relation avec nos usagers. Là encore, nous devrons être dans l’invention dans les années à venir : quelle forme renouvelée au club de lectures, au club d’écoute musicale… ? Comment partager entre professionnels et usagers autour des courants de la vie culturelle ?
10h45 L’univers Culture Wok : faire participer nos usagers à un moteur de recherche sensitive par Renaud Garcia (créateur de Culture Wok) suivi d’échanges avec le public
* L’encyclopédie Wikipédia est devenue en quelques années, un nouveau lieu phare de l’encyclopédisme, un modèle aussi de participation collective, non exempte de critiques ou de polémiques, mais malgré cela, elle s’est imposée. Hervé Goldberg de Wikimédia France viendra évoquer les projets de wikimedia, et les partenariats liés autour de ces projets avec des bibliothèques et des établissements similaires et nous dressera un bilan de ces partenariats. On pourrait penser un peu rapidement qu’avec le numérique, les bibliothèques ne sont plus des lieux où chercher de l’information : le numérique nous donne de nouvelles portes d’accès jusque là cachées ou difficilement accessibles au commun des mortels ! A nous, les professionnels de l’information, d’organiser et de signaler les nouvelles ressources et participer aux projets de Wikimédia, par exemple.
14h L’encyclopédie Wikipédia dans les bibliothèques : expériences par Hervé Goldberg de Wikimédia France (Précisions à venir) suivi d’échanges avec le public
* Enfin, la journée se terminera par l’intervention d’Alexandre Simonet qui travaille à la bibliothèque Carré d’Art de Nîmes et qui a su renouveler le monde du livre d’artistes en l’adaptant au numérique avec l’expérience Kiibook . J’ai consacré un billet et une interview à ce travail, je vous invite à relire ici. Alexandre nous parlera également projets autour des arts numériques et de cartographie culturelle… Là aussi, à nous d’explorer le web et de présenter à nos publics, des initiatives qui sont parfois un peu perdues sur le Web.
15h30 De l’art numérique en bibliothèque une chance pour le web 2.0 : Kiibook (livres d’art numérique) et cartographie culturelle par Alexandre Simonet, Chef de projet prospective et médiations, arts et cultures numériques au Carré d’Art bibliothèques de Nîmes suvi d’échanges avec le public
Cette journée est le premier épisode d’une série consacrée à des retours d’expériences concrétes dans les bibliothèques. La prochaine aura lieu en 2012 autour de la médiation numérique, de la recommandation et des livres numériques. Date et lieu seront précisés prochainement.
Pour vous inscrire, il reste encore des places, c’est ici.
Je remercie ici les intervenants pour leur future participation. Un grand merci également à nos partenaires (Région, Drac PACA, BDP13) et bien entendu, à la Ville de Saint-Raphaël qui nous accueille une nouvelle fois pour une journée qui s’annonce passionnante et au coeur des préoccupations de notre profession en version bêta perpétuelle !
Franck Queyraud
Président ABF PACA
Coordinateur du groupe ABF Bibliothèques Hybrides
Une certaine tendance de la médiation en bibliothèque jeunesse
Cet article est paru dans La Revue de Livres pour enfants n° 248 de Septembre 2009 sous le titre : Vers des médiathèques numériques ? Je reprends le titre que j’avais proposé à l’origine.
Une certaine tendance de la médiation en bibliothèque jeunesse
Cela fait un an et demi que nous sommes étonnés ! Un an et demi, que plus d’une centaine de jeunes de 8 à 15 ans qui ont pourtant une connexion Internet à la maison ou chez leurs « potes » viennent, chaque jour, à la médiathèque de Saint-Raphaël retrouvant leurs copains, sur un jeu en ligne (le mmorpg DOFUS [2]) en subissant nos règles, nos contraintes (c’est-à-dire seulement une heure par jour, sur le ou les serveurs que nous leur imposons) et nos cris d’orfraie s’ils franchissent les limites. Ce qu’ils font tous les jours, évidemment ! Pour la plupart, ils n’étaient pas abonnés à la médiathèque.
Comme beaucoup de bibliothèques, nous avons suivi et accompagné le développement du « multimédia » : d’une première logithèque à la création d’un département multimédia spécifique avec l’acquisition d’un logiciel (CD-line d’Archimed) gérant une centaine de cédéroms en réseau, disposés dans des tours mâtinées de quelques accès Internet bridés (pas de tchat surtout !). Du prêt de cédérom (plus de 700) : des jeux – forcément – ludo-éducatifs, d’aventures ou des méthodes de langues…sans ironie aucune ou presque… ça marchait… et puis ça a moins marché. Les courbes statistiques de la fréquentation se sont inversées vers 2005.
2005 ? L’arrivée phénoménale des blogs, du RSS, de MSN, des SMS, des premiers réseaux sociaux, du développement des accès ADSL à la maison. Que d’acronymes en forme de coup de pied aux fesses pour notre profession !
L’expérience du multimédia à St Raphaël : « tout en ligne».
Pourtant, nous ne devrions pas être étonnés ! Comme tous professionnels sérieux, nous avons pris le temps de la réflexion face à la révolution des accès aux savoirs : observé les « mômes » sur Internet (nos listes de signets et de sites « sérieux », ils s’en moquaient…ayant vite pigé le concept des moteurs de recherche) ; remarqué – bien obligé – que les accès Internet envahissant les domiciles, les regards de nos usagers ne se portaient plus sur nos encyclopédies « papier » mais sur Wikipédia ou sur la première réponse obtenue par le moteur de recherche Google ; discuté avec les collègues d’autres bibliothèques ; participé à des journées d’études ; lu des enquêtes et trouvé que celle-ci : « les loisirs culturels des 6-14 ans» correspondait bien à ce que nous observions des usages de nos jeunes usagers ; compris qu’avec le temps notre belle médiathèque pourrait devenir une coquille vide de l’essentiel : son public. Le but de cette introspection : repenser la notion de médiation et la nature de nos propositions. Concrètement, d’abord, abandonner le réseau vieillissant de cédéroms ; puis ne plus en acheter et enfin, proposer une solution « Tout en ligne », grâce à une interface dédiée : la zone numérique jeunesse – porte d’accès à nos choix de médiateurs sur Internet. L’interface est découpée par tranche d’âge avec des liens vers les catalogues ou blogs de la médiathèque permettant de s’orienter rapidement. Chaque rubrique comprend des sous-rubriques selon les centres d’intérêt de la tranche d’âge concernée. Nous avons relayé les projets thématiques des collègues jeunesse comme celui de « la mémoire » cette année. Mise en ligne également sur le site de la bibliothèque, cette interface permet aux enfants de retrouver les sélections des bibliothécaires à la maison. Nous n’interdisons pas l’accès au site de jeux de TF1 mais incitons à d’autres découvertes. Ce que les parents nous disent apprécier. Dofus, le jeu en ligne est l’un des aspects de cette politique d’accès. Nous avons ouvert les portes des messageries instantanées et animons un blog pour les 8-15 ans nommé medi@zone avec des billets adaptés, « leurs » musiques (sur le site « légal » deezer) et parfois des contributions des jeunes (récemment un film de type « yamakasi » réalisé avec un portable ). Cet aspect de la participation des jeunes, de la parole de nos publics sur un blog ou un wiki de la collectivité est encore une piste à explorer et à baliser.
Retrouver notre place de bibliothécaires généralistes ?
La médiation est un axe qui devient de plus en plus central dans notre métier. Aujourd’hui, la question semble bien d’abandonner nos étiquettes de spécialistes pour redevenir des bibliothécaires plus généralistes. Quant à nos collègues, souvent plutôt colorés de littérature de jeunesse, de musique sérielle ou d’histoire du moyen-âge, ils doivent acquérir maintenant une touche supplémentaire : celle du multimédia. « Pourquoi l’apprentissage des technologies émergentes fait partie du travail de tous les bibliothécaires », est le titre de l’intervention donnée par Kathryn Greenhill, bibliothécaire à l’Université de Murdoch, citée sur le biblioblog Marlene’s corner : « Je n’ai pas le temps » est une des objections les plus entendues et Kathryn Greenhill recense vingt et une raisons d’utiliser les outils 2.0 dont « notre mission de base est la mise en relation de gens et d’informations ». L’expérience de Chermédia, de la BDP du Cher est exemplaire. Il s’agit de former les professionnels et bénévoles de ce département à tous ces nouveaux outils. Une belle dynamique pour en définitive réaliser des projets bien réels autour de la bibliothèque, redevenue un foyer d’accès au savoir. Reste à dialoguer avec les services informatiques de nos collectivités pour nous permettre d’accéder aux ressources.
Véronique Soulé le rappelait fort justement dans un précédent numéro de la revue des livres pour enfants, paru en 2002 : « Introduire Internet en bibliothèque c’est introduire une nouvelle façon d’accéder au savoir et à la culture ».
Quelle sera la valeur ajoutée par la bibliothèque ?
Une étude récente effectuée par l’IPSOS à la demande d’e-enfance nous apprend que 91 % des 9-17 ans utilisent Internet pour rechercher de l’information. 80 % pour communiquer avec leurs amis, 68 % à regarder des vidéos. 61 % des jeunes ont utilisé Internet avant 10 ans. Quelle sera alors la valeur ajoutée par la bibliothèque pour qu’elle continue à être un lieu attrayant et fréquenté ?
Toutes les enquêtes sur les usages d’Internet pointent la place centrale de la maison en ce qui concerne les accès à Internet. Offrir un ou plusieurs postes d’accès à Internet peut être un premier attrait statistique fort pour votre établissement mais peut mener vite à une gestion passive voire conflictuelle, d’accès à ces postes, si le seul projet est de donner accès à Internet ! (Même si la fonction « cyber-café » est très présente en bibliothèque). Il nous revient toutefois d’apporter de la valeur ajoutée à notre offre d’accès à Internet. Voici quelques grands types d’expériences possibles en médiathèque jeunesse.
Cette interface de la zone numérique jeunesse, déjà citée plus haut, est un exemple de mise en valeur des sites. Un gamin arrive à la Médiathèque : il s’installe sur un poste. Il file tout de suite sur You tube et visionne un combat de catch. Il a douze ans. Comment a-t-il pu connaître ce « sport » qui –reconnaissons-le – ne passe pas régulièrement à la télévision ? Ce type d’usage doit jouer le rôle d’un petit caillou blanc permettant de trouver le chemin numérique de ces enfants que nous appelons des « digital natives » ? Aurions-nous proposé, nous les passeurs de culture, ce thème spontanément ? Comment créer des liens entre ce gamin passionné de catch, sport où l’on fait croire que… et un auteur nommé Molière et sa pièce Tartuffe, où il s’agit de faire croire que… ? C’est la clé à trouver pour construire une passerelle entre nos savoirs déjà bien établis et des savoirs en devenir.
Pour valoriser le côté interactif des accès à Internet, à Saint-Raphaël, nous avons également modifié l’espace multimédia jeunesse en plaçant notre poste de contrôle horaire des accès au centre des enfants et en créant un coin ados comprenant mangas, comics, cédéroms en prêt et cubes-présentoirs pour présenter d’autres documents (romans, albums, documentaires ou DVD jeunesse). Bénéfice ? Une connaissance accrue des usages des enfants facilitant l’aide que nous pouvons leur apporter. Le succès rencontré avec le jeu Dofus a permis l’inscription de nouveaux abonnés (plus de cent nouvelles en trois mois) et une augmentation du prêt. Passé l’heure quotidienne de connexion à Internet, les autres potentialités de l’espace jeunesse attirent les jeunes.
Les blogs de bibliothèques ou de bibliothécaires jeunesse sont aussi un mode de médiation dynamique. Ils permettent de mettre en valeur les acquisitions et donner des conseils de lecture en favorisant les commentaires, de présenter les animations à venir ou passées, d’informer et de garder trace des activités, de publier des vidéos ou de faire des liens vers des ressources. Le blog Trollire des bibliothécaires jeunesse de Grenoble (38) accueille les critiques des livres lus par les enfants. Un des avantages du blog est de s’abonner à des flux RSS pour recevoir l’information directement dans sa boite mail et ainsi fidéliser son public.
Sur le même mode, le blog Je lis, tu lis, nous aimons de la médiathèque de Chassieu (69) est associé à un site Myspace et à une page Facebook. La bibliothèque jeunesse se dissémine ainsi sur tous les lieux susceptibles d’être fréquentés par ses jeunes lecteurs.
Dans le réseau des bibliothèques de Montréal, par exemple, c’est la forme du club de lecture qui est rajeunie. Dans un jeu animé par un détective virtuel, l’agent 009, les enfants découvrent des livres selon leur âge et un ensemble d’activités est organisé autour de la lecture. Des sites thématiques autour du polar sont disponibles. Sur Black polar, les enfants ont 15 minutes pour lire une courte nouvelle et percer l’énigme sous la coupe du commissaire Blondel.
Enfin, Blog à part de la bibliothèque de Toulouse parle aux enfants de littérature, de cinéma, de musique et de sorties. C’est une forme actualisée du journal, plus simple à réaliser et avec un ton et un projet éditorial adapté. Citons aussi le blog des bibliothécaires jeunesse de Toulouse où l’on se retrouve dans la cabine d’un vaisseau spatial !
Sur l’agglomération de Fréjus Saint-Raphaël, les deux médiathèques, les lycées et collèges du territoire local se sont associés pour créer un prix littéraire relayé sur le blog De la plume à l’oreille. Documentalistes et bibliothécaires choisissent cinq livres par an. Les enfants lisent, votent pour leur préféré et un ou plusieurs auteurs viennent rencontrer les enfants. Vous pouvez voir le résultat en regardant le podcast consacré à Erick L’Homme (et sa série Phaenomen) publié sur le site de la bibliothèque de Saint-Raphaël rubrique conférences en ligne .
Le comité départemental de lecture jeunesse du Var a ouvert très récemment un blog pour « prendre un virage contemporain » et surtout mettre à disposition les analyses de livres réservées jusqu’à présent aux professionnels membres du comité. Les blogs de bibliothèques publiques sont nombreux et regorgent d’idées. Touti Frouti est le portail qui les recense. Si vous ne savez pas par où commencez, jetez-y un œil !
En utilisant un agrégateur de fils RSS comme les univers netvibes, vous pouvez à votre tour présenter sur une plateforme mutualisée une sélection de sites et de blogs selon une thématique propre au projet jeunesse de votre bibliothécaire. Les éditions Milan ont été un des premiers éditeurs à saisir la pertinence de cet outil pour faire la promotion de leurs titres. D’autres ont créé des univers de ressources pour les collégiens fréquentant le CDI du collège Jean Malrieu de Marseille (13) ou encore un univers consacré aux jeux littéraires comme à la Médiathèque de Saint-Quentin en Yvelines (78). Pour d’autres idées, rejoignez le wiki Bibliopédia à la page « Bibliothèques sur netvibes ».
Wikipédia et Wiki-Brest n’ont plus besoin de démontrer leur succès et leur pertinence. L’approche collaborative permet de fédérer des savoirs et des compétences qui n’ont pas toutes été reconnues par un diplôme. Avec le web 2.0, la notion d’expert est remise à plat. Outils idéaux pour des projets d’écriture collective , deux wikis à destination des jeunes sont récemment apparus. Vikidia et Wikimini proposent aux enfants de 9 à 13 ans d’écrire des articles à la manière de Wikipédia, leur grande sœur. Il serait intéressant de se saisir de ce type d’outil en bibliothèque. La médiathèque de l’Astrolabe de Melun (77) propose un atelier d’écriture en ligne, Marelle, zone d’écritures poétiques , où tout un chacun peut participer.
Récemment, Christelle Membrey, professeur de lettres et formatrice TICE a ouvert un site coopératif basé sur l’outil Ning qui permet de créer un réseau social : Education Media Internet. Ce site au slogan « On ne naît pas internaute, on le devient » est un lieu d’échanges et de réflexions. Une adresse intéressante pour y participer éventuellement.
Enfin, proposer du jeu vidéo en ligne ou sur autre support est une possibilité qui permet de donner une vision plus attractive de la bibliothèque auprès du public jeune. A nous ensuite de les attirer vers nos autres potentialités. Les jeux en ligne sont accessibles à tous : sur Dofus, nous utilisons à Saint-Raphaël la partie gratuite du jeu depuis plus de un an et demi sans que les enfants aient épuisé les ressources du jeu. Attrait supplémentaire : tous les deux mois, un combat « amical » en ligne a lieu avec les enfants de la médiathèque de Roquebrune sur Argens. Trois autres communes du 13 et du 34 nous rejoindront fin juin 2009 pour un combat élargi ! En janvier 2010, nous sommes huit bibliothèques à jouer ensemble. Depuis peu de temps, les jeunes usagers des bibliothèques de Montpellier jouent à la médiathèque sur les consoles de jeu les plus connues pour « partager, dialoguer, se concentrer, respecter autrui, apprendre les règles, [qui] sont autant d’attitudes que les jeux développent. Elles sont déterminantes pour vivre harmonieusement avec les autres ». Reste à résoudre le problème des droits de prêt de ces nouveaux supports si nous souhaitons prêter ces jeux. Il faut reconnaître que les grands majors créateurs des jeux les plus utilisés ne semblent pas très pressés d’atteindre la niche bibliothèque ! Enfin, l’un de mes collègues bibliothécaires réalise un blog incontournable : Jeux vidéo et bibliothèque qui vous apportera de précieux éclairages.
Faire évoluer notre regard sur la médiation…
Le site Yahoo Questions Réponses interroge notre métier de façon intéressante. Il recueille en moyenne 2.3 millions d’utilisateurs par mois en France. On peut poser tout type de questions sur ce site collaboratif qui tient plutôt du forum ou de la messagerie instantanée. La qualité et la pertinence des services de questions/réponses proposés par les bibliothèques sont aux antipodes de cette approche. Ce serait formidable si des étudiants en information-documentation se penchaient sur ce site avec sa forme d’expertise très spécifique, où la médiation est faite par chacun pour tous.
Blogs, fils Rss, ou Wikipédia sont emblématiques de ce web inscriptible et collaboratif et créent une énergie positive. Toutefois, du côté des professionnels, nous devons nous autoformer en permanence face à ce web en bêta perpétuel. N’oublions pas que nos « digital natives » n’ont pas nos appréhensions face à la nouveauté, qu’ils ont besoin de balises et de méthodes pour naviguer en toute sécurité. Vous avez dit médiateurs ?
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